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Bibliographie et abréviations
Auteurs

Henry Wadsworth Longfellow est un poète américain connu d’abord par son livre Voices of the Night, publié en 1839 et dont le poème « A Psalm of Life » a été considéré comme l’un des plus beaux poèmes d’amour du XIXe siècle. Sa renommée s’est accrue par la publication de Ballads, en 1841, et des recueils suivants : Evangeline (1847), Hiawatha (1855), The Courtship of Miles Standish (1858) et Tales of a Wayside Inn (1863). Quand Edgar Allan Poe émettait des réserves sur les emprunts, nombreux, à la littérature européenne, Nathaniel Hawthorne le plaçait en tête de liste des poètes américains « natifs », traduisant l’avis d’un grand nombre de lecteurs qui ont fait de Longfellow le poète le plus populaire de son époque. « The song of Hiawatha » s’est vendu en 30 000 exemplaires en six mois et sa poésie a été traduite dans plusieurs pays d’Europe. Si Longfellow a transmis la culture européenne à ses compatriotes, il a aussi rendu populaires des thèmes américains « natifs » et, représentant les idéaux et les aspirations d’une nation jeune et d’une tradition raffinée, il a contribué à fonder la littérature nationale. Son œuvre est musicale, discrètement romantique, teintée d’idéalisme et de sentimentalité. Cependant, les qualités qui lui ont valu le succès de son vivant sont aussi celles qui le desservent aujourd’hui : la métrique de ses poèmes paraît monotone ; il est jugé trop didactique, sans ferveur et indifférent aux controverses sociales de son temps. Si l’auteur reste un référent pour la culture du XIXe siècle dont les idéaux sont encore vivants, sa poésie est reléguée aux cours élémentaires où ses vers, qui racontent des histoires érudites, servent à enseigner la versification et à transmettre les légendes de l’histoire de l’Amérique du Nord.

Longfellow est l’un des poètes évoqués dans La Quarantaine où les citations sont si abondantes que Madeleine Borgomano a pu parler de « vertige intertextuel » pour qualifier les jeux des dialogues qu’instaure la présence de nombreuses citations. Dès les premières pages, une énumération de grands noms de la poésie occidentale : « Shelley, Longfellow, Hugo, Hérédia, Verlaine » (Q, 20), Rimbaud et son « Bateau ivre » (Q, 30), signale les auteurs de prédilection de Suzanne, femme de Jacques – le frère du protagoniste Léon le Disparu – et grand-mère du narrateur. En fait, la mention des poètes et les citations de poèmes apparaissent toujours liées à ce personnage et à son goût pour la poésie lyrique.

Tous les poèmes retenus entrent en résonance avec les thématiques développées dans La Quarantaine. Les premières strophes du poème préféré de Suzanne, « Fata Morgana » (Q, 20) de Longfellow, sont transcrites et renvoient aux illusions, aux mirages, à la scintillante ville de la chanson, dans la belle terre des songes : « O sweet illusions of Song/ That tempt me everywhere,/In the lonely fields, and the throng/Ofthe crowded thoroughfare !… [...] The shining city of song/ In the beautiful land of dreams. » On pense à Paris, où tout paraissait à Jacques en même temps « magnifique et terrifiant » (Q, 16) : une ambivalence confirmée lorsque la connotation euphorique des vers de Longfellow laisse place à la tristesse de ceux de Verlaine : « Il pleure dans mon cœur comme il pleut sur la ville » (Q, 20), qui renvoient soit à l’hiver sombre de Paris, soit à la mort d’Amalia.

Mais c’est surtout « pour Léon que la ville est étroite » (Q, 31). Comme Jacques veut le présenter à Suzanne Morel, une Réunionnaise qu’il vient d’épouser à Londres, ils se rencontrent à Hastings, donc au bord de la mer. Suzanne lit les premiers vers de « Birds of passage » de Longfellow, qui font référence aux mots ailés du poète, au langage métaphorique où les sens des mots migrent comme des oiseaux de passage : « Black shadows fall/From the lindens tall,/That lift aloft their massive wall/Against the Southern sky… ».

Sur l’île Plate où ils sont débarqués, Léon a emporté le volume des poésies de Longfellow que Suzanne lui avait confié (Q, 64) ; ce « petit livre bleu et noir » (Q, 308), « est l’unique livre que les prisonniers de l’île Plate ont avec eux pendant la quarantaine. Longtemps, il devient aussi leur seul réconfort », note Madeleine Borgomano. Sur l’île en proie à une épidémie de variole, Jacques et Léon se relaient pour prendre soin de Suzanne qui tombe malade ; et chaque soir, « comme un rituel » (Q, 370), Léon s’assoit à côté d’elle et lit à haute voix les poèmes qu’elle aime : « The city and the sea » qui donne à entendre le dialo-gue entre la cité et la mer tantôt source de vie, tantôt porteuse de mort : « The panting City cried to the Sea/I am faint with heat – Oh breathe on me!/And the sea said, Lo, I breathe! but my breath/To some will be life, to others death ! » On se souvient alors des moments heureux à Hastings qui contrastent avec les difficultés du présent sur Plate (Q, 409). De façon générale, les poèmes retenus et les vers cités mettent en lumière les oppositions et la complémentarité entre la ville et la mer, de même qu’ils renvoient à la musique des mots et au rêve: des thématiques qui trouvent un écho dans l’œuvre leclézienne.

 Suzanne et Léon citent également « The song of Hiawatha » (Q, 295, 308, 409) : poème épique qui, rappelle Madeleine Borgomano, « reprend les légendes des Indiens d’Amérique, autour d’un demi-dieu envoyé par le Grand-Esprit pour enseigner aux hommes les arts de la Paix ». Ce poème a été la source d’inspiration du compositeur tchèque Dvorak pour l’écriture de sa Symphonie du Nouveau Monde, à la fin du XIXe siècle. Madeleine Borgomano, qui note la christianisation du personnage de Hiawatha, relève un paradoxe idéologique, s’étonnant des « nombreuses références à un texte dont la philosophie assimilationniste est en contradiction radicale avec celle de respect de l’altérité qui se dégage du livre de Le Clézio ». Mais elle remarque également qu’ « aucune allusion n’est faite ni à l’identité de Hiawatha, ni au contenu narratif du chant. » Le lyrisme des vers retenus évoquant la nature, la mer, le soleil, confère à ce poème une fonction cathartique reconnue par le narrateur : « Je lis ‘The Song of Hiawatha’ comme si c’était un conte pour enfants, sans signification cachée, simplement une musique de mots, pour faire rêver. Parfois il me semble que je lis interminablement le même passage. » (Q, 308) Il arrive que Suzanne et Léon se livrent à une sorte de « bataille de vers » : tandis que Suzanne lit les poèmes de Baudelaire, Léon, pour qui l’auteur des Fleurs du Mal est « un homme méchant » (Q, 295), affiche sa préférence pour Longfellow malgré « les longues phrases un peu solen-nelles » de sa poésie (Q, 409), car « […] chaque mot, chaque phrase porte un sens mystérieux qui éclaire notre vie réelle » (Q, 370).

Ana Luiza Silva Camarani

 

 

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

BORGOMANO, M. « La Quarantaine de Le Clézio et le vertige intertextuel », Cahiers de Narratologie. [En ligne], 13 | 2006, mis en ligne le 01 septembre 2006, consulté le 22 octobre 2013. URL: http://narratologie.revues.org/317 ; DOI: 10.4000/narratologie.317 ; LE CLÉZIO, J.-M.G., La Quarantaine, Paris, Gallimard, Folio, 1995. ; J.-M.G. Le Clézio, La Tentation poétique, Les Cahiers J.-M.G. Le Clézio n°5 (Coord. CAVALLERO, Claude, PARA, Jean-Baptiste), Paris, Complicités, 2012 ; Mc MICHAEL, George, Concise Anthology of American Literature, New York, Macmillan Publish Comany ; London, Macmielan Publishers, 1985 ; MORIN, Paul, Les sources de l’œuvre de Henry Wadsworth Longfellow, Paris, Émile Larose, 1913.

Île Plate ; Quarantaine (La) ; Rimbaud.