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Le domaine d’Euréka fut la propriété de la famille Leclézio* de 1863 à 1985. En 1863, Eugène Leclézio, le premier de la famille né à l’île de France, acheta aux enchères, à la Cour Suprème à Port-Louis, une propriété qui appartenait à Monsieur Kerr à Moka. C’est ce que la famille appelle la partie haute d’Euréka. Eugène voulait fuir Port-Louis, ou sévissait la malaria, Moka offrant un climat plus salubre et moins chaud. En arrivant à la propriété, il s’exclama « Euréka ! » comme Archimède découvrant le principe de physique qui porte son nom, et c’est ainsi que le domaine fut nommé.
Photo : Eileen LOHKA
Quelques temps après, il acheta une propriété de quinze arpents, terrain se trouvant à l’ouest de la partie haute ; Cette nouvelle acquisition fut appelée la partie basse. Eugène l'acheta à monsieur Georges Robinson, et le lieu fut toujours nommé Robinson. S’y trouvait une partie du grand potager, et vers le ravin un verger de manguiers. Le lieu offre une magnifique vue sur l’ouest de l’île. J.M.G. Le Clézio localise ainsi le jardin de Rozilis, version romanesque d’Euréka dans Révolutions : « Notre jardin était très grand […] ça allait du ravin des Plaines Wilhelms au nord, jusqu’à Ebène au sud, la cascade était si proche qu’on l’entendait quand le vent soufflait, et près d’Ebène commençaient les champs de canne, à perte de vue, jusqu’à l’horizon, avec seulement les cheminées qui sortaient de loin en loin comme des phares, Minissy, Valetta, Saint Jean, Bagatelle… » (R, 26). Sir Henry Leclézio, fils d’Eugène, fit l’acquisition par la suite d’autres terrains des environs, dont le plus important fut celui du Bocage, situé le long de la route menant à Port-Louis et à la Montagne Ory. Euréka couvrait alors une superficie de 110 arpents et s’étendait du bord de la rivière Moka jusqu’à la montagne Ory, jouxtant Bagatelle, l’ancienne propriété de Pierre Poivre, Intendant des Isles de France et Bourbon avant la Révolution. Eugène découvrit une grande maison coloniale, aux 109 portes et fenêtres, qui existe toujours, ainsi que d’autres bâtiments, des magasins, et une cuisine, construite séparément de la maison pour prévenir les risques d’incendie, cuisine qui, elle, date de l’époque où le domaine était la propriété d’une famille française, les Montmirail.
La grande maison d’Euréka, entièrement construite en bois, dont quelques poutres de la charpente sont en bois de tombalacoque, l’arbre dont le dodo mangeait la graine, se dresse, silencieuse et digne, semblant prendre appui contre la montagne Ory. C’est ainsi qu’elle paraît, magnifiée dans le souvenir d’Alexis, héros du Chercheur d’or : « Je regarde la grande maison de bois éclairée par le soleil de l’après-midi, avec son toit bleu ou vert, d’une couleur si belle que je m’en souviens aujourd’hui comme de la couleur du ciel de l’aube ». (CO, 23). J.-M.G. Le Clézio décrit Euréka, dans son écrin de verdure : « […] nous voyions tous les arbres de la forêt, les ébéniers plantés par mon grand-père, et les bois noirs, les acajous, les cèdres amers. C’était magnifique, quand le vent soufflait je voyais leurs cimes bouger, et il y avait toujours des oiseaux dans les branches » (R, 112). Le rez-de-chaussée comporte de nombreuses pièces communiquant toutes les unes avec les autres, deux varangues (vérandas : le mot varangue, emprunté à la marine, désigne la partie arrière d’un vaisseau), l’une orientée au nord, pour l’hiver, l’autre au sud pour l’été. Un grand grenier occupe l’étage supérieur, au haut d’un escalier à vis muni d’une belle pièce de bois torsadé. Le toit est recouvert de bardeaux de teck, que l’on enduit de goudron pour en préserver l’étanchéité. Les bardeaux sont posés sur des pièces de bois appelées lattis. Euréka est depuis 1986 la propriété de Jacques Planteau de Maroussem qui avait épousé une arrière-petite-fille de Sir Henry, Monique Labauve d’Arifat. Il a transformé Euréka en musée de l’époque coloniale, mais c’est un bien grand mot que de l’appeler musée. C’est plutôt une maison conviviale, ouverte à tout le monde, où on peut déguster des mets créoles, ou prendre une tasse de thé accompagnée de mignardises locales. De beaux meubles de la Compagnie des Indes occupent les vastes pièces, ainsi que des porcelaines également de la Compagnie des Indes datant du dix-huitième siècle. On peut aussi y admirer une table provenant de la capture d’un vaisseau anglais, prise de François Leclézio, le père d’Eugène, qui était corsaire.
Les jardins, où une nature généreuse produit des arbres et des plantes magnifiques, sont des lieux de promenades délicieuses. Il faut se rendre au « Bout du Monde », où se trouve un kiosque rustique surplombant le ravin, lieu enchanteur où l’on entend le murmure de la rivière malgré la profondeur de ce ravin, « là où toutes les rivières et les cascades se rencontrent dans la forêt » (R, 26).