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Auteurs

La situation géographique de l’archipel

 

L’archipel des Chagos – île principale Diego Garcia – est situé au centre de l’océan Indien, à mi-chemin entre l’Afrique et l’Indonésie, à 7° au sud de l’équateur. L’archipel, d’environ 15 000 km2, dont seulement 56 km2 de terre ferme, est constitué de 7 atolls, formant 55 îles ou îlots coralliens, dont Peros Banhos, les îles Salomon et le Grand Banc de Chagos, le plus gros atoll de la planète. En font partie les îles de l’Aigle, des Trois frères et Danger ainsi que le groupe des îles Egmont, au sud du Grand Banc.

 

 

L’histoire de l’archipel

 

L’archipel a été découvert par le marin portugais, Pedro Mascarenhas, en 1512, mais ce n’est que vers la fin des années 1780 que le gouverneur de l’Île-de-France décide d’exiler quelques lépreux sur Diego Garcia. En 1793, M. Lapotaire de Maurice y fonde le premier établissement, une usine d’extraction d’huile de coco, y introduisant une soixantaine d’esclaves noirs d’origine malgache et mozambicaine, ayant déjà appris le créole sur Maurice. En 1810, les Anglais s’emparent de Maurice ; les « dépendances mineures » (les Seychelles, Rodrigues et les Chagos) passent aux mains de la couronne britannique par le traité de Paris en 1814. En 1835, la Grande Bretagne abolit l’esclavage et les esclaves des Chagos deviennent des « ouvriers à contrat ». On y importe un petit nombre d’ouvriers malais, chinois et indiens. Durant tout le XIXe siècle, une société de plantation se développe aux Chagos, tout comme ailleurs aux Mascareignes, aux Antilles, etc. On y exploite surtout le cocotier, soit pour extraire l’huile des noix sur place, soit pour fabriquer du coprah. En 1880, la population se chiffre à environ 760 personnes, la forte majorité étant « créole ». Avec les années, des ouvriers de Maurice et des Seychelles viennent grossir la population. Les Chagossiens continuent de travailler pour les compagnies d’exploitation, faisant également de la pêche, de l’élevage et du jardinage, mais ne deviennent jamais propriétaires de leur terrain ou de leur case.

 

La déportation des Chagossiens

 

En 1962, la Chagos Agalega Company des Seychelles achète toutes les plantations de cocotiers de l’archipel de la Société huilière de Diego et Peros, compagnie mauricienne. En 1965, après plusieurs années de négociations secrètes et en contravention des règles de décolonisation des Nations Unies, le Royaume-Uni crée, par un ‘Order in Council’ (le Territoire britannique de l’océan Indien, BIOT) ; il inclut l’archipel des Chagos ainsi que les îles d’Aldabra, de Farquhar et Des Roches, de la colonie des Seychelles. En compensation, le Royaume-Uni offre la somme de £3M au gouvernement colonial de Maurice et un nouvel aéroport aux Seychelles. L’année suivante, par un accord secret, le Royaume-Uni octroie aux Américains un bail de 50 ans (renouvelable 20 ans) sur Diego Garcia, où ceux-ci comptent construire une base aéronavale importante. Les Américains exigent cependant que la population de l’archipel soit « déplacée »… ce à quoi les Britanniques acquiescent sans hésitation. En contrepartie, les Américains réduisent de £11M l’achat de missiles Polaris par les Britanniques.

Dès 1968, tout Chagossien qui quitte les Chagos pour des raisons médicales ou pour visiter sa famille à Maurice se voit empêché de retourner sur les îles, ce qui, de facto, condamne à l’exil plus de 400 îliens. En même temps, les autorités britanniques restreignent volontairement les envois de provisions et de médicaments, les Britanniques et les Américains tentant de faire croire qu’il n’y a jamais eu de résidents permanents sur les îles et que les Chagossiens ne sont que des ouvriers à contrat temporaire.

En 1967, le gouvernement britannique achète toutes les plantations de l’archipel pour la somme de £ 600,000. En 1968, l’Île Maurice obtient son indépendance. De 1971 à 1973, les quelques 2000 Chagossiens sont embarqués de force sur des bateaux en direction soit de Maurice, soit des Seychelles (Diego Garcia en 1971, Salomon en 1972 et Peros Banhos en 1973). Une fois arrivés à destination, ils sont laissés à eux-mêmes et doivent vivre dans des conditions inhumaines. Incapables de se trouver du travail, plusieurs sombrent dans l’alcoolisme, la prostitution ou le petit crime. Le gouvernement britannique offre la somme dérisoire de £650000 au gouvernement mauricien pour aider à relocaliser les Chagossiens, mais ceux-ci ne recevront cette somme qu’en 1978, sans les intérêts accumulés. Les Seychelles ne recevront rien. Suite à une grève de la faim et à la poursuite intentée par un groupe de Chagossiens en 1982, le gouvernement britannique leur accorde la somme de £4M en guise de compensation et le gouvernement mauricien leur offre des terrains d’une valeur de £1M. Mais pour obtenir leur part de cet argent, ils doivent signer ou parapher un document rédigé uniquement en anglais, qui éteint une fois pour toutes les possibilités de retour dans leurs îles. La plupart des Chagossiens sont analphabètes et ne parlent que le créole ; ils ne comprennent donc pas ce qu’ils acceptent de signer ou parapher. Pendant ce temps, les Américains développent leur base aéronavale sur Diego Garcia : surnommée ‘Footprint of Freedom’, elle deviendra la plus grosse base militaire américaine hors des États-Unis, où près de 5000 militaires et employés contractuels (dont aucun Chagossien) sont déployés.

 

Les luttes légales des Chagossiens

 

Depuis, les Chagossiens n’ont pas cessé de lutter sur de nombreux fronts pour faire valoir leur droit de retour à leur terre natale, entamant des poursuites judiciaires en Angleterre comme aux États-Unis. En 2000, la Haute Cour de Justice de l’Angleterre et du Pays de Galles déclare que la déportation des Chagossiens durant les années 70 était illégale et qu’ils ont le droit de retourner aux Chagos, sauf à Diego Garcia. En 2003, la Haute Cour renverse sa décision, estimant que les Chagossiens ont été amplement compensés pour leur expulsion des années 70. La même année, un procès intenté au nom du Groupe Réfugiés Chagos (GRC) contre les États-Unis à la Cour du District de Washington s’achève par une victoire des États-Unis. Les appels subséquents jusqu’à la Cour Suprême sont tous rejetés.

En 2002, les Chagossiens et leurs enfants obtiennent la citoyenneté britannique et de nombreux Chagossiens vivant à Maurice ou aux Seychelles émigrent en Angleterre et s’établissent près de l’aéroport de Chadwick, au sud de Londres. En 2004, un nouvel ‘Order in Council’ abolit le droit de retour aux îles. Il est infirmé par la cour divisionnaire, puis par la Haute Cour de Justice. En 2008, la plus haute instance judiciaire du pays invalide ainsi les dernières décisions de la Haute Cour. Les Chagossiens n’ont plus aucun recours légal possible au Royaume-Uni.

Le 17 octobre 2009, J.-M.G. Le Clézio écrit une lettre publique dans Le Monde, adressée au Président Obama, récent récipiendaire du Prix Nobel de la Paix, dans laquelle il prie le président d’autoriser le retour des Chagossiens à Diego Garcia. Cette lettre restera sans la moindre réponse. La même année, le parlement européen adopte une résolution reconnaissant l’illégalité de la déportation et propose que la Cour européenne des droits de l’homme détermine les mérites de la plainte déposée par les Chagossiens en 2010.

En 2010, le Royaume-Uni établit une aire marine protégée (Marine Protected Area – MPA) de 640 000 km2 couvrant tout l’archipel des Chagos, hormis Diego Garcia. Toute pêche ou exploitation de quelque nature que ce soit est dorénavant illégale. Selon certains documents révélés par les fameux Wikileaks, le Foreign Office de Londres aurait suggéré au gouvernement américain que l’établissement de cette zone protégée rendrait impossible le retour des Chagossiens. Le gouvernement mauricien intente un procès contre le Royaume-Uni, contestant la légalité du MPA.

En 2012, la Cour européenne des droits de l’homme refuse de recevoir la plainte des Chagossiens, invoquant une série d’arguments légaux techniques, tout en soulignant que les Chagossiens ont déjà été amplement indemnisés pour leurs malheurs. La même année, une pétition internationale lancée par le GRC sur le site web de la Maison Blanche (We the People), plaidant la cause des Chagossiens, obtient plus de 28000 signatures. La Maison Blanche répond qu’elle n’a aucun pouvoir, que la Grande-Bretagne exerce seule la souveraineté sur les îles Chagos, y compris Diego Garcia.

En 2013, la Haute Cour britannique se déclare en faveur du MPA de Chagos. J.-M.G. Le Clézio rédige un second article, publié dans Libération, déplorant la décision de la Cour européenne des droits de l’homme : « En vérité, pour inique qu’elle soit, la décision de la Cour européenne des droits de l’homme était prévisible. Elle démontre la fragilité des instances internationales en matière de justice. Lorsqu’elle doit se prononcer sur des cas litigieux, la Cour européenne se comporte comme un tribunal ordinaire, en se retranchant derrière un code procédurier et arguant d’éléments juridiquement non recevables, comme elle pourrait le faire dans un simple litige entre particuliers. Ce faisant, elle n’est pas en contradiction avec l’esprit du droit, mais elle l’est totalement avec l’esprit des droits de l’homme. […] La Cour européenne des droits de l’homme a rendu sa décision, dans l’in-différence des puissants de ce monde. Qu’importe une poignée d’îlois, petits agriculteurs, pêcheurs à la ligne dans leur lagon, quand les intérêts stratégiques et militaires sont en jeu, et que ces îles lointaines, perdues au milieu de l’océan Indien, peuvent être transformées à vil prix en une des bases les plus opérationnelles du monde…» (Le Clézio, 2013).

 

La situation actuelle

 

Depuis lors on attend toujours une décision de la Cour permanente d’arbitrage d’Istanbul sur la création du MPA de Chagos. C’est également avant la fin de l’année 2014 que les militaires américains devaient demander la prolongation du bail de la base de Diego Garcia. Vu son importance stratégique et les près de $ 2 milliards dépensés pour le développement de cette base, on pense que cette demande ne saurait tarder. Malgré tout, un rapport préliminaire, paru en 2014, conclut que le rapatriement des Chagossiens est réalisable. Le gouvernement britannique doit réagir en 2015. De façon parallèle, suite à la décision négative de la Cour européenne des droits de l’homme, le GRC compte plaider devant la Cour criminelle internationale en s’appuyant sur l’article 7 du statut de Rome de la Cour pénale internationale qui définit la déportation comme un crime contre l’humanité.

Malheureusement, les Chagossiens sont divisés et s’affrontent publiquement : d’un côté le GRC d’Olivier Bancoult, établi à Maurice, exige le droit définitif de retour dans l’archipel. Il reconnaît la souveraineté de Maurice sur les Chagos, demande la fermeture définitive de la base de Diego Garcia, insiste pour que le Royaume-Uni finance l’infrastructure nécessaire pour le rétablissement des Chagossiens sur leur île, refuse la légalité de l’aire de protection marine et décourage toute émigration de Maurice, considérant que c’est maintenant leur patrie. De l’autre côté, le Gouvernement provisoire de Diego Garcia et des îles Chagos, établi au Royaume-Uni sous la présidence d’Allen Vincatassin, conteste la souveraineté de Maurice sur les Chagos et reconnaît le statut légal du BIOT, donc la souveraineté britannique. Il exige que Maurice indemnise financièrement les Chagossiens pour la misère qu’ils ont vécue, en raison de l’inaction des gouvernements mauriciens successifs. Acceptant la légalité de l’aire de protection marine, il espère qu’un jour les Chagossiens pourront retourner vivre sur Peros Banhos et Salomon, peut-être obtenir des emplois sur la base américaine de Diego Garcia, et il encourage leur émigration vers le Royaume-Uni.

 

Robert Papen

 

 

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

LE CLÉZIO, J.-M.G., « Lavez l’injustice faite aux Chagossiens », Le Monde, 17 octobre, 2009, consulté le 2( mars 2015 : http://www.lemonde.fr/idees/article/2009/10/17/lavez-l-injustice-faite-aux-chagossiens-par-jean-marie-g-le-clezio_1255254_3232.html ; LE CLÉZIO, J.-M.G., « Les îlois contre le Royaume-Uni, suite et fin? », Libération, 14 mai, 2013, consulté le 25 mars 2015 http://www.liberation.fr/monde/2013/05/14/les-ilois-des-chagos-contre-le-royaume-uni-suite-et-fin_902862 ; MANDRILLYM A., Les Exilés de l’océan Indien. Licence d’anthropologie, 2005-2006, disponible sur internet à : www.memoireonline.com/06/09/2155/Les-exiles-de=lOcean-Indien-Iles-Chagos.html ; MORRIS, T., A brief history of the Ilois experience, 2013, consulté le 25 mars 2015: www.zianet.com/Ted/Morris/dg/Ilois-History-Final-A4.pdf ; PATEL, S. Le Silence des Chagos, Paris, Éditions de l’Olivier/Le Seuil, 2005 ; PILGER, J., Stealing a nation, consulté le 2( mars 2015 : johnpilger.com/videos/stealing-a-nation ; TONG, M. Le droit à l’autodétermination et à la restitution : L’affaire du peuple de l’archipel des Chagos (TBOI), 20089, disponible à : http://these.u-strasbg.fr/394/01/TONG_Maureen_2009_fr_eng.pdf ; VINE, D., Island of shame : The secret history of the US military base on Diego Garcia. Princeton, N.J., Princeton University Press, 2009.