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Bibliographie et abréviations
Auteurs

Le protagoniste du Chercheur d’or, Alexis L’Étang, a ses racines dans l’histoire familiale de Le Clézio : celui-ci a en effet évoqué à de multiples reprises son grand-père François-Alexis Le Clézio, qui s’est installé à l’île Maurice, pour échouer sur l’île Rodrigues à la recherche du trésor d’un corsaire (Jérome Garcin, Gérard de Cortanze).

Mais Alexis n’est pas seulement une des figures de la saga familiale de Le Clézio. Le Chercheur d’or est en effet une « Odyssée moderne » (Georges Abensour), et peut être lu comme une fable multiple, à plusieurs voix, de notre époque. Il en va de même de son protagoniste, Ulysse moderne à plus d’un titre.

Le parcours d’Alexis est, à un premier niveau, inscrit dans la contingence historique, et les différents chapitres du roman sont datés avec précision, de l’ « Enfoncement du Boucan, 1892 » à « Mananava, 1922 », en passant par l’engage-ment dans la Première Guerre mondiale (« Ypres, hiver 1915 – Somme, automne 1916 »). De plus, dès le début, la société dans laquelle Alexis grandit, tout idyllique qu’elle soit, s’avère fortement marquée par les tensions sociales : il appartient en effet aux « Blancs », et quand éclate la révolte dans les champs de canne, il se trouve séparé de ses compagnons de jeu comme Denis. Même si la domination coloniale se reporte sur des comparses comme l’oncle Ludovic et son fils Ferdinand, le père d’Alexis se trouve lui aussi engagé dans l’industrialisation de l’île : après un « projet de chantier naval » et un « projet d’aérostat », il projette de construire une centrale électrique qui doit apporter le « progrès » à toute l’île (CO, 41). Ce projet échoue définitivement quand un ouragan engloutit la génératrice dans la boue et ruine la famille, l’obligeant à s’exiler. Le trésor du corsaire apparaît comme le moyen de réparer la ruine financière, et c’est à cet effet que le père a épinglé dans son bureau une carte de Rodrigues, « couvert[e] de signes et de points de repère » (CO, 59). La quête d’Alexis peut être lue comme la poursuite, après la mort du père, de ce rêve d’enrichissement. Même quand il fera la rencontre d’Ouma, la métisse qui vit en harmonie avec la nature et pour qui « l’or ne vaut rien » (CO, 238), il songe à la faillite familiale et à la perte de la maison qu’il veut reconquérir. Alexis n’est donc pas si éloigné, comme malgré lui, du prométhéisme européen, et il n’est pas sans évoquer les héros de Jules Verne, lecture de prédilection du jeune Le Clézio qui y voyait l’équivalent de « ce que furent L’Iliade et l’Odyssée pour les jeunes Grecs » (Simone Vierne, 117), ou encore Robinson Crusoé (CO, 218). L’échec de sa quête, marquée par les caches vides du corsaire et par la carte devenue « toile d’araignée » (CO, 226), mais aussi par l’enlisement dans la « boue » (CO, 249, 251) des tranchées, peut dès lors être interprété, plus généralement, comme celui de ce mythe fondateur de l’Occident (François Flahault).

Cette trame événementielle, qui se termine symboliquement sur la destruction des documents du père, brûlés sur la plage (CO, 332), est contrebalancée par une trame mythique, et il y a, dans ce roman, tout un feuilleté intertextuel : mythe biblique de Jonas, mythe celtique de Saint Brandon, mythe grec de Jason et de la Toison d’or, où l’or devient symbole (Isabelle Roussel-Gillet ; Bruno Thibault). Par ailleurs, l’or s’inscrit dans ce qu’on pourrait appeler le monde élémentaire, le livre du monde. Ce qui apparaît comme le lieu symbolique du roman, la chambre des cartes du père, est à ce propos révélateur : à côté de la carte de Rodrigues, il y a aussi une « carte des constellations », que le père utilise pour enseigner l’astronomie (CO, 57, 78). Parmi les constellations, Alexis éprouve une fascination particulière pour le « dessin parfait » du navire Argo (CO, 58). La quête d’Alexis peut être lue comme la projection de la carte du ciel sur la carte de l’île de Rodrigues : dès le début, il regarde « furtivement » ces deux cartes juxtaposées, et en conclut que son aventure se situe « dans les contrées du ciel et non pas sur la terre réelle » (CO, 59). Et quand il retourne à Rodrigues après la guerre, il découvre, nouveau chaman, que le plan se confond avec « les dessins de la voûte céleste » (CO, 298), et réalise ainsi ce qu’il n’avait entrevu que furtivement dans la chambre des cartes : « ces étoiles sont vivantes, éternelles, et la terre au-dessous d’elles suit leur destin. Ainsi, dans le firmament, où nulle erreur n’est possible, est inscrit depuis toujours le secret que je cherchais » (CO, 298). Cette complétude cosmique se réalise à l’évidence en contrepoint du parcours prométhéen brisé.

Elle ne constitue cependant pas le dernier mot de ce roman. À la fin du récit, de retour au Boucan, Alexis fait à nouveau le bilan de son aventure, qu’il voit comme « une seconde naissance » associée au « bruit de la mer », et le navire Argo est moins un « dessin parfait » qu’une « frégate aux ailes immenses », figure du voyage et du voyageur : « Il fait nuit à présent, j’entends jusqu’au fond de moi le bruit vivant de la mer qui arrive » (CO, 333). Plutôt qu’une vérité inscrite dans le livre du monde, Alexis découvre, en miroir, sa propre quête vitale, sa vérité personnelle, qu’il associe avec insistance à la fluidité de l’eau – écho de l’écoulement universel cher à Héraclite.

Alexis apparaît ainsi comme une figure multiple : d’une part, il cherche à se distancier du prométhéisme occidental, dont il constate la ruine ; d’autre part, il tente de contre-balancer cet échec par une mosaïque, ou plutôt une nébuleuse de fables, qui évoquent des archaïsmes lointains. Il semble dès lors bien proche du rhapsode, ou encore du « petit artisan » qui passe son temps à avoir « des problèmes de rapiéçage et d’assemblage, comme un cordonnier » (Le Monde, 2006, p. 4), – icônes de l’écrivain.

Bruno Tritsmans

 

 

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

ABENSOUR, Georges, « L’épopée de la fin de l’insularité », Critique, 462, (1985), p. 1107-1111 ; CORTANZE (de) Gérard, Le Clézio. Le Nomade immobile, Paris, Éditions du Chêne, 1999 ; FLAHAULT, François, Le Crépuscule de Prométhée. Contribution à une histoire de la démesure humaine, Paris, Mille et une nuits, 2008 ; GARCIN, Jérôme, Littérature vagabonde, Paris, Flammarion, 1995, p. 266-284 ; Le CLÉZIO, J.-M.G., Le Chercheur d’or, Paris, Gallimard, 1985 ; Id. « ’ Se refuser à tout ce qui sclérose’. Entretien avec Josyane Savigneau », Le Monde du 15 février 1985 (repris dans Le Monde. Dossiers et Documents littéraires, n° 50, janvier 2006, p. 4) ; ROUSSEL-GILLET, Isabelle, Étude sur J.-M.G. Le Clézio, Le Chercheur d’or, Paris, Ellipses, coll. « Résonances », 2005 ; THIBAULT, Bruno, J.-M.G. Le Clézio et la métaphore exotique, Amsterdam, Rodopi, 2009, p. 135-159 ; VIERNE, Simone, Jules Verne, Grez-sur-Loing, Pardès, 2005, p. 117.