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PROPHÉTIES DU CHILAM BALAM (LES)

in Dictionnaire / by stéphane Rozencwajg
16 juin 2017
Avant-propos
Oeuvres
Romans
AFRICAIN (L')
ALMA
CHERCHEUR D’OR (LE)
DÉSERT
DIEGO ET FRIDA
ÉTOILE ERRANTE
GÉANTS (LES)
GENS DES NUAGES
GUERRE (LA)
ONITSHA
OURANIA
PROCÈS VERBAL (LE)
QUARANTAINE (LA)
RAGA : APPROCHE DU CONTINENT INVISIBLE
RÉVOLUTIONS
TERRA AMATA
VOYAGE À RODRIGUES
Nouvelles et textes brefs
« AMOUR SECRET »
« ANGOLI MALA »
« ARBRE YAMA (L') »
« ARIANE »
« CHANSON BRETONNE »
suivi de « ENFANT ET LA GUERRE (L’) »
« ÉCHAPPÉ (L’) »
« FANTÔMES DANS LA RUE »
« GÉNIE DATURA (LE) »
« GRANDE VIE (LA) »
« HAZARAN »
« IL ME SEMBLE QUE LE BATEAU SE DIRIGE VERS L’ÎLE »
« L.E.L., DERNIERS JOURS »
« MARTIN »
« MOLOCH »
« ORLAMONDE »
« PASSEUR (LE) »
« PAWANA »
« PEUPLE DU CIEL »
« RONDE (LA) »
« ROUE D’EAU (LA) »
« SAISON DES PLUIES (LA) »
« TEMPÊTE »
« TRÉSOR »
« VILLA AURORE »
« ZINNA »
Essais
EXTASE MATÉRIELLE (L')
FLOT DE LA POÉSIE CONTINUERA DE COULER (LE)
HAÏ
INCONNU SUR LA TERRE (L’)
PROPHÉTIES DU CHILAM BALAM (LES)
RÊVE MEXICAIN (LE)
SISMOGRAPHE (LE)
Personnages
Fictifs
ADAM POLLO
ALEXIS
ANTOINE
DAVID
FINTAN
JADI
Personnes réelles
BARRAGÁN (LUIS)
BAUDELAIRE
CAILLIÉ (RENÉ)
CHAZAL (DE) MALCOLM
DARWICH MAHMOUD
HUMBOLDT (VON) ALEXANDER
FRIDA KAHLO
LETITIA ELIZABETH LANDON (L.E.L.)
LONGFELLOW
MA EL AÏNINE
MALINCHE (LA)
MENCHÙ RIGOBERTA
RATSITATANE
RULFO (JUAN)
SENGHOR, L.S.
Lieux
Afrique
CHAGOS (ARCHIPEL DES)
CHAGOS (ARCHIPEL DES) MàJ 2022
COLLÈGE ROYAL DE CUREPIPE (LE)
EURÉKA
MAURICE (ÎLE)
MORNE (LE)
NIGER (FLEUVE)
PLATE (ÎLE)
RODRIGUES (ÎLE)
SAGUIA EL HAMRA
Amérique
CHIAPAS (LE)
MEDELLÍN
MEXICO
PACHACAMAC
VOLCAN PARICUTIN
Asie
SÉOUL
Europe
Nice
Lexique
BIAFRA (GUERRE DU)
CANNE À SUCRE
CHAUVE-SOURIS
CIPAYES (RÉVOLTE DES)
COSTUMBRISME
CRISTEROS (GUERRE DES) OU CHRISTIADE
DODO (LE)
ÉCOLOGIE
FLORE (Maurice)
HINDOUISME
LANGAGE DES OISEAUX (LE)
LANGUE BRETONNE
LOUVRE (LE)
MURALISME
OISEAUX (MAURICE)
PROSE POÉTIQUE
SAINT-AUBIN-DU-CORMIER (BATAILLE DE)
SANDUNGA
SIRANDANE
SOUFISME
Bibliographie et abréviations
Auteurs

Entre 1970 et 1974, J.-M.G. Le Clézio partage l’existence des Indiens Emberas et Waunanas dans la province de Darien au Panama, une expérience qui bouleverse sa vision du monde en attirant son attention sur la destinée des anciens peuples et civilisations de la Méso-Amérique : Tarasques du Michoacán, Hopis et Navajos du Nouveau-Mexique, Zunis. Il se documente sur les Incas, les Mayas, les Aztèques, mais aussi sur les peuples dont la destruction n’a pas été précipitée par les conquistadors. Il lit notamment, en espagnol, des traductions de livres sacrés, chroniques et relations qui ont échappé aux autodafés et bûchers de la Conquista. Parmi ces témoignages figurent Les Prophéties du Chilam Balam, qu’il traduit, présente, et que son éditeur Georges Lambrichs accueille dans sa collection « Le Chemin » chez Gallimard.

Chilam Bilam, du maya chi, bouche et de balam : le jaguar, est à l’origine le nom donné à une probable divinité et le titre religieux du principal prêtre du soleil. D’après le textes des Prophéties, le Chilam Balam aurait vécu à Mani lors du Katun 2 Ahau (circa 1500-1520), exerçant les fonctions d’oracle. De lui, Diego de Landa dira qu’il est « celui qui est chargé de donner les réponses des démons » (23). En réalité, les prêtres et prophètes du soleil relayaient la parole des dieux. Seuls ceux qui déchiffraient les énigmes posées par le Chilam Balam en langue de zuyua étaient dignes de commander car ces énigmes portaient sur l’astronomie, la religion, les lois…

La lecture des Prophéties du Chilam Balam est une révélation pour J.-M.G. Le Clézio, un livre littéralement surgi des profondeurs du temps. Car les Mayas ont dû lutter contre les Itzas, les Toltèques, avant de d’affronter les Espagnols, d’où la nécessité impérieuse pour eux de se concilier les faveurs des dieux. J.-M.G. Le Clézio retrace brièvement l’histoire du peuple itza qui, après la conquête, a changé le nom de ses dieux et laissé la destinée s’accomplir, et il explique comment les Mayas se sont reconnus dans les premiers martyrs chrétiens. « L’histoire n’est pas différente de la prophétie. Le temps écoulé projette l’histoire de l’avenir » (29). Mais Les Prophéties du Chilam Balam est aussi un livre tout en symboles dans lequel signes, formes, couleurs, formules hermétiques voisinent avec les origines du monde et du langage. Un livre magique dont la signification échappe en partie au lecteur non initié. « Mais quelque chose, pourtant, trouble encore, quelque chose frémit et passe comme un nuage » (8). Par-delà les énigmes, Les Prophéties constituent une véritable chronique des événements ouraniens, embrassant les rythmes et les cycles des saisons. Si ces livres constituent de vibrants témoignages de la présence du monde maya dans notre monde, c’est parce que cette civilisation a brutalement disparu. « Le peuple maya a disparu seul sans heurt apparent, écrit J.-M.G. Le Clézio, comme si un jour les dieux avaient détourné le regard et l’avaient abandonné » (9). De manière plus prosaïque et ainsi que l’ont montré les historiens, archéologues et anthropologues, parmi lesquels Jared Diamond, auteur d’Effondrement, la disparition de la civilisation maya ne saurait être attribuée à une unique cause. Il apparaît cependant que les Mayas ont précipité leur fin. Comme dans toutes les grandes civilisations méso-américaines, le soleil est l’astre roi, une composante essentielle de la cosmogonie maya. C’est dans le ciel où brille le soleil que trône le créateur de toute chose et l’ordonnateur de la vie terrestre. Aussi est-ce la raison pour laquelle comprendre les lois du ciel, c’est comprendre les lois du futur. D’où une société organisée suivant le plan du ciel et les courses du soleil, dans ses édifices – temples, pyramides – jusque dans les rituels du quotidien – travail, prières, sacrifices. Il s’agit de « comprendre le temps pour s’y insérer », selon le mot de Nicolas Pien (2014, 15). D’où ce souci permanent des prêtres de dresser la carte du ciel pour comprendre le monde et échapper à la mort, exemple « sans équivalent dans l’histoire de l’humanité d’une si grande concordance entre la terre et le ciel, entre le temps et l’éternité » (12). D’où, enfin, une civilisation dont l’année, les mois sont ordonnés autour des fêtes et des libations pour commencer l’an et chaque mois. J.-M.G. Le Clézio décrit les festivités dédiées au dieu de la chasse, au serpent à plumes, Kukulcan, avec leurs danseurs parés de plumes multicolores, pour lancer une année s’articulant autour des semailles et des récoltes, une succession de cycles, un temps du perpétuel recommencement et du continuel retour des mêmes divinités aux mêmes dates, vivant dans ce que Mircea Eliade a nommé « le mythe de l’éternel retour ».

Pour J.-M.G. Le Clézio, plus que d’avoir édifié une civilisation sur une terre inhospitalière, c’est le grand prodige du peuple maya d’avoir vécu en harmonie avec le temps, en osmose avec l’univers. « Les vrais livres ne peuvent pas disparaître dans le feu », écrit J.-M.G. Le Clézio (19) Quand, en 1520, l’évêque Diego de Landa fait brûler les livres sacrés sur la place de la ville de Mani, ce ne sont que des « dépouilles » qui sont réduites en cendres. L’esprit des dieux a quitté les livres depuis longtemps déjà, avec les ultimes survivants du peuple Itza. C’est suite à cet autodafé que les prêtres mayas ont reconstitué les livres sacrés, dans la langue du conquérant que leur ont enseignée les moines espagnols. C’est ainsi que seront sauvés dix textes et le Codex Pérez, compilation de manuscrits divers réalisée trois siècles plus tard par Pio Pérez : la mémoire du peuple maya depuis la création de l’univers, du monde et des hommes. « Cette Genèse est un effort des derniers prêtres mayas pour se remémorer leur passé fabuleux, la longue errance qui précéda la fondation de l’empire » (21). Recettes médicinales, mythes, formules magiques composent ces livres sacrés à la langue psalmodique, presque monotone, auxquels se mêlent des mots latins de la liturgie, de l’Ancien et du Nouveau Testament, témoignage de la rencontre avec les conquistadors du peuple maya en plein déclin et dans l’attente d’un grand bouleversement, d’une catastrophe. À Jean-Louis Ezine qui l’interrogeait sur ce point, J.-M.G. Le Clézio a répondu : « C’est ce qui a favorisé leur destruction mais, en même temps, c’est ce qui leur a permis de survivre. Ces sociétés ont pu laisser une trace. Ayant tout prévu, elles avaient prévu leur disparition. Elles avaient donc pris des mesures pour qu’on pût les retrouver après » (1995, 32).

 

Dominique Lanni

 

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Anonyme, Les Prophéties du Chilam Balam, Paris, Gallimard, 1976, « Le Chemin ». Version et présentation de J.M.G. Le Clézio ; Anonyme, Relation de Michoacan, Paris, Gallimard, 1984, « Tradition ». Version et présentation de J.M.G. Le Clézio ; Diamond, Jared, Effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, Paris, Gallimard, « NRF Essais », 2009 ; Eliade, Mircea, Le Mythe de l’éternel retour. Archétypes et répétition, Paris, Gallimard, 1969. Rééd. : Paris, Gallimard, 1989, « Folio Essais » ; Germoni, Karine et Jauer, Annick, dirs., La Pensée ininterrompue du Mexique dans l’œuvre de Le Clézio, Aix-en-Provence, Presses de l’Université de Provence, 2014, « 1… » ; Jaulin, Robert, La Paix blanche. Introduction à l’ethnocide, Paris, Éditions du Seuil, « Combats », 1970 ; Le Clézio, Jean-Marie Gustave, Le Rêve mexicain ou la pensée interrompue, Paris, Gallimard, 1988. Rééd. : Paris, Gallimard, « Folio / Essais », 1992 ; Ailleurs. Entretiens avec Jean-Louis Ezine, Paris, Arléa, 1995 ; Pien, Nicolas, « Comprendre le temps pour s’y insérer. La leçon mexicaine de Le Clézio », dans Germoni, Karine et Jauer, Annick, dirs., La Pensée ininterrompue du Mexique dans l’œuvre de Le Clézio, op. cit., p. 15-36.

« TRÉSOR »

in Dictionnaire / by stéphane Rozencwajg
16 juin 2017
Avant-propos
Oeuvres
Romans
AFRICAIN (L')
ALMA
CHERCHEUR D’OR (LE)
DÉSERT
DIEGO ET FRIDA
ÉTOILE ERRANTE
GÉANTS (LES)
GENS DES NUAGES
GUERRE (LA)
ONITSHA
OURANIA
PROCÈS VERBAL (LE)
QUARANTAINE (LA)
RAGA : APPROCHE DU CONTINENT INVISIBLE
RÉVOLUTIONS
TERRA AMATA
VOYAGE À RODRIGUES
Nouvelles et textes brefs
« AMOUR SECRET »
« ANGOLI MALA »
« ARBRE YAMA (L') »
« ARIANE »
« CHANSON BRETONNE »
suivi de « ENFANT ET LA GUERRE (L’) »
« ÉCHAPPÉ (L’) »
« FANTÔMES DANS LA RUE »
« GÉNIE DATURA (LE) »
« GRANDE VIE (LA) »
« HAZARAN »
« IL ME SEMBLE QUE LE BATEAU SE DIRIGE VERS L’ÎLE »
« L.E.L., DERNIERS JOURS »
« MARTIN »
« MOLOCH »
« ORLAMONDE »
« PASSEUR (LE) »
« PAWANA »
« PEUPLE DU CIEL »
« RONDE (LA) »
« ROUE D’EAU (LA) »
« SAISON DES PLUIES (LA) »
« TEMPÊTE »
« TRÉSOR »
« VILLA AURORE »
« ZINNA »
Essais
EXTASE MATÉRIELLE (L')
FLOT DE LA POÉSIE CONTINUERA DE COULER (LE)
HAÏ
INCONNU SUR LA TERRE (L’)
PROPHÉTIES DU CHILAM BALAM (LES)
RÊVE MEXICAIN (LE)
SISMOGRAPHE (LE)
Personnages
Fictifs
ADAM POLLO
ALEXIS
ANTOINE
DAVID
FINTAN
JADI
Personnes réelles
BARRAGÁN (LUIS)
BAUDELAIRE
CAILLIÉ (RENÉ)
CHAZAL (DE) MALCOLM
DARWICH MAHMOUD
HUMBOLDT (VON) ALEXANDER
FRIDA KAHLO
LETITIA ELIZABETH LANDON (L.E.L.)
LONGFELLOW
MA EL AÏNINE
MALINCHE (LA)
MENCHÙ RIGOBERTA
RATSITATANE
RULFO (JUAN)
SENGHOR, L.S.
Lieux
Afrique
CHAGOS (ARCHIPEL DES)
CHAGOS (ARCHIPEL DES) MàJ 2022
COLLÈGE ROYAL DE CUREPIPE (LE)
EURÉKA
MAURICE (ÎLE)
MORNE (LE)
NIGER (FLEUVE)
PLATE (ÎLE)
RODRIGUES (ÎLE)
SAGUIA EL HAMRA
Amérique
CHIAPAS (LE)
MEDELLÍN
MEXICO
PACHACAMAC
VOLCAN PARICUTIN
Asie
SÉOUL
Europe
Nice
Lexique
BIAFRA (GUERRE DU)
CANNE À SUCRE
CHAUVE-SOURIS
CIPAYES (RÉVOLTE DES)
COSTUMBRISME
CRISTEROS (GUERRE DES) OU CHRISTIADE
DODO (LE)
ÉCOLOGIE
FLORE (Maurice)
HINDOUISME
LANGAGE DES OISEAUX (LE)
LANGUE BRETONNE
LOUVRE (LE)
MURALISME
OISEAUX (MAURICE)
PROSE POÉTIQUE
SAINT-AUBIN-DU-CORMIER (BATAILLE DE)
SANDUNGA
SIRANDANE
SOUFISME
Bibliographie et abréviations
Auteurs

 

La nouvelle « Trésor » fait partie du recueil Coeur brûle et autres romances, publié en 2000 et composé de sept nouvelles dont les protagonistes appartiennent à différentes nationalités et classes sociales.

« Trésor » est un texte organisé en deux récits, situés en Jordanie. Le premier récit fonctionne comme un cadre qui présente le protagoniste, le jeune Samaweyn, dernier descendant du glorieux passé de Petra. Les faits de ce temps passé sont relatés par un narrateur absent de l’histoire qui raconte : en ce temps-là la nature était bénéfique et dans ce décor édénique, les habitants vivaient et travaillaient heureux, en harmonie et dans l’abondance. Il y avait toutefois un interdit : les étrangers ne pouvaient pas s’approcher du « Trésor » – de fait un gigantesque tombeau royal construit par les Nabatéens, dont le trésor palpable consiste en son architecture.

Ce trésor défendu assure le lien avec le second récit intercalé qui, à l’inverse du premier dont la chronologie n’est pas définie, commence avec des indications temporelles et géographiques précises : « Eldjy, hiver 1990 » (157). Dans ce récit enchâssé, le narrateur homodiégétique est un étranger répondant au nom de John Burckhardt qui, à l’instar de son ancêtre, John Burckhardt, l’explorateur suisse qui a redécouvert la ville cachée de Petra en 1812, « pénètre à nouveau dans le mystère du temps » (157).

Passé et présent alternent dans le récit, car le jeune narrateur raconte ce qu’il lit dans le journal de son aïeul alors qu’il avance sur les traces de ce premier explorateur. Mais à l’opposé de ce dernier, venu pour dérober le secret des morts et prendre possession du trésor, le narrateur contemporain, dans une démarche interculturelle, manifeste une attitude de croyant en osmose avec l’espace sacré.

En fait, le va-et-vient entre le passé et le présent exprime dans ce récit la marche du narrateur-protagoniste en direction du secret de son origine et, par conséquent, de l’origine du monde: dans ce lieu qu’il considère sacré, il découvre les vestiges d’une autre époque et a le sentiment d’avoir eu accès au « temps suprême du mythe » (Cavallero, 2004, 41). En effet, sur ce parcours du narrateur en direction du secret de Petra, l’on peut trouver de nombreuses allusions au mythe, et plus particulièrement au mythe des origines du monde, à ce lieu paradisiaque originel.

Si, d’un côté, l’émotion du protagoniste est évidente durant le parcours, d’un autre côté, sa perspective rationnelle appréhende la réalité quotidienne des années 1990 : les répercussions du conflit armé connu sous le nom de Guerre du Golfe, le vrombissement des bombardiers américains au milieu des touristes de différentes nationalités, le monument, classé patrimoine de l’humanité par l’UNESCO en 1985, étant désormais ouvert au public qui, sans se préoccuper de la guerre en Irak, parle à voix haute, prend des photos et se masse autour des échoppes de souvenirs précairement établies sur le site. Ces souvenirs qui mêlent objets locaux et produits dérivés de l’occident : casquettes, sodas et gommes à mâcher, indiquent une légère mais néanmoins significative manifestation de la mondialisation.

  Mais, en dépit de ces références à la réalité banale et profane, la fin de ce récit intercalé, affirme le triomphe du mythe et du sacré, ce que corroborent les paroles du John Burckhardt imaginaire : « Ici, à Petra, je suis tout près de l’entrée, à la porte même d’un autre monde [...]. Ailleurs, la guerre dévore les hommes, assassins honteux et maudites victimes, mais dans cette vallée vivent toujours les esprits » (174). Cette constatation montre un narrateur venu du monde occidental et rationnel, néanmoins totalement pétri de culture orientale.

L’interculturalité se retrouve de façon inversée lors de la reprise du premier récit qui a comme protagoniste le « dernier des Samaweyn ». Le regard du garçon est toujours tourné vers l’occident, en direction du lieu où son père est parti en quête d’une nouvelle vie et où il a terminé ses jours. Pour lui, le véritable trésor est contenu dans la valise héritée de son père qui contient des lettres et des photos retenues par une ficelle. Outre le souvenir du père, la mémoire de Samaweyn est hantée par l’image de deux femmes occidentales : la première est celle qu’il se choisit comme mère, sa mère naturelle étant morte pendant l’accouchement ; la seconde l’élira comme guide parmi d’innombrables autres enfants. Figures maternelles, ces blondes étrangères éveillent le rêve de l’occident.

Toutefois, la reprise de ce premier récit, après l’insertion du second qui fait revivre l’explorateur John Burckhardt par l’intermédiaire de son descendant, introduit un changement de perspective narrative: le narrateur hétérodiégétique du début semble suivre le flux du récit du John Burckhardt fictif et Samaweyn devient à son tour le narrateur-protagoniste d’un récit autodiégétique (Genette, 1972, 252-253).

Toujours à rêver de l’Occident, il engage néanmoins une réflexion sur Petra, la ville des esprits, qui de fait le conduit à se fondre progressivement avec le « je » du narrateur John Buchardt. Dès lors qu’il commence à se promener dans la vallée en quête d’éléments invisibles, il décide de rester là, « à veiller sur le bien des esprits. » (188).

 Cette prise de responsabilité par rapport à la préservation de la culture de son pays va dans le sens de la pensée de l’auteur qui refuse qu’aucune culture ne soit « réduite au silence » : « La littérature, c’est favoriser quelque chose dont on ne parle pas beaucoup, qui est absolument indispensable : l’interculturalité. Toutes les cultures doivent communiquer entre elles, il ne doit pas y avoir de culture dominante. » (2008)

 

Ana-Luiza Camarani

 

 

 

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

 

CAMARANI, Ana Luiza Silva, « L’écriture de la nouvelle, du conte, du mythe et la question du réalisme magique dans ‘Trésor’ », Les Cahiers J.-M.G. Le Clézio n°2 : Contes, nouvelles et romances, Paris, Complicités, 2009 ; CAVALLERO, Claude, « Sur les traces de J.-M. G. Le Clézio » in JOLLIN-BERTOCCHI, Sophie, THIBAULT, Bruno, (coords), Lectures d’une œuvre : J.-M. G. Le Clézio, Nantes, Éditions du Temps, 2004 ; LE CLÉZIO, J.-M.G., « Trésor », Cœur brûle et autres romances, Paris, Gallimard, 2000 ; Le Clézio, porte-parole du dialogue entre les cultures, conférence de presse, Stotockholm, 2008 https://www.actualitte.com/article/monde-edition/le-clezio-porte-parole-du-dialogue-entre-les-cultures/6420 consulté le 3 mars 2017 ; GENETTE, Gérard, Figures III, Paris, Seuil, 1972.

 

 

« SAISON DES PLUIES (LA) »

in Dictionnaire / by stéphane Rozencwajg
16 juin 2017
Avant-propos
Oeuvres
Romans
AFRICAIN (L')
ALMA
CHERCHEUR D’OR (LE)
DÉSERT
DIEGO ET FRIDA
ÉTOILE ERRANTE
GÉANTS (LES)
GENS DES NUAGES
GUERRE (LA)
ONITSHA
OURANIA
PROCÈS VERBAL (LE)
QUARANTAINE (LA)
RAGA : APPROCHE DU CONTINENT INVISIBLE
RÉVOLUTIONS
TERRA AMATA
VOYAGE À RODRIGUES
Nouvelles et textes brefs
« AMOUR SECRET »
« ANGOLI MALA »
« ARBRE YAMA (L') »
« ARIANE »
« CHANSON BRETONNE »
suivi de « ENFANT ET LA GUERRE (L’) »
« ÉCHAPPÉ (L’) »
« FANTÔMES DANS LA RUE »
« GÉNIE DATURA (LE) »
« GRANDE VIE (LA) »
« HAZARAN »
« IL ME SEMBLE QUE LE BATEAU SE DIRIGE VERS L’ÎLE »
« L.E.L., DERNIERS JOURS »
« MARTIN »
« MOLOCH »
« ORLAMONDE »
« PASSEUR (LE) »
« PAWANA »
« PEUPLE DU CIEL »
« RONDE (LA) »
« ROUE D’EAU (LA) »
« SAISON DES PLUIES (LA) »
« TEMPÊTE »
« TRÉSOR »
« VILLA AURORE »
« ZINNA »
Essais
EXTASE MATÉRIELLE (L')
FLOT DE LA POÉSIE CONTINUERA DE COULER (LE)
HAÏ
INCONNU SUR LA TERRE (L’)
PROPHÉTIES DU CHILAM BALAM (LES)
RÊVE MEXICAIN (LE)
SISMOGRAPHE (LE)
Personnages
Fictifs
ADAM POLLO
ALEXIS
ANTOINE
DAVID
FINTAN
JADI
Personnes réelles
BARRAGÁN (LUIS)
BAUDELAIRE
CAILLIÉ (RENÉ)
CHAZAL (DE) MALCOLM
DARWICH MAHMOUD
HUMBOLDT (VON) ALEXANDER
FRIDA KAHLO
LETITIA ELIZABETH LANDON (L.E.L.)
LONGFELLOW
MA EL AÏNINE
MALINCHE (LA)
MENCHÙ RIGOBERTA
RATSITATANE
RULFO (JUAN)
SENGHOR, L.S.
Lieux
Afrique
CHAGOS (ARCHIPEL DES)
CHAGOS (ARCHIPEL DES) MàJ 2022
COLLÈGE ROYAL DE CUREPIPE (LE)
EURÉKA
MAURICE (ÎLE)
MORNE (LE)
NIGER (FLEUVE)
PLATE (ÎLE)
RODRIGUES (ÎLE)
SAGUIA EL HAMRA
Amérique
CHIAPAS (LE)
MEDELLÍN
MEXICO
PACHACAMAC
VOLCAN PARICUTIN
Asie
SÉOUL
Europe
Nice
Lexique
BIAFRA (GUERRE DU)
CANNE À SUCRE
CHAUVE-SOURIS
CIPAYES (RÉVOLTE DES)
COSTUMBRISME
CRISTEROS (GUERRE DES) OU CHRISTIADE
DODO (LE)
ÉCOLOGIE
FLORE (Maurice)
HINDOUISME
LANGAGE DES OISEAUX (LE)
LANGUE BRETONNE
LOUVRE (LE)
MURALISME
OISEAUX (MAURICE)
PROSE POÉTIQUE
SAINT-AUBIN-DU-CORMIER (BATAILLE DE)
SANDUNGA
SIRANDANE
SOUFISME
Bibliographie et abréviations
Auteurs

La nouvelle « La Saison des pluies » constitue le cinquième portrait de femme du recueil Printemps et autres saisons (1989) de J.-M. G. Le Clézio. Narrée du point de vue d’un narrateur hétérodiégétique, cette « véritable[…] pépite[…] » (Asgarally, 1999, 20) retrace la vie de la Mauricienne et orpheline Gaby Kervern qui quitte l’île Maurice en 1929 pour la France pour y retourner, après plusieurs échecs, et y mourir en 1968.

 

Un récit d’initiation

 

Le récit propose une lecture ontologique sur la banalité de l’existence des petites gens et de leurs petites vies, de leurs ennuis, intrigues, envies et espérances en abordant les thèmes de l’errance, de la quête de l’aventure, du bonheur, de l’amour et des origines. Divisée en cinq parties démarquées typographiquement par trois lignes blanches, l’aventure de Gaby trahit une structure classique retraçant le départ de l’île (exposition), le bonheur (complication), la chute (péripétie), le malheur (retardement) et le retour à l’île (dénouement). À ce parcours peuvent être appliquées les trois étapes décisives des rites d’initiation d’après A. van Gennep : séparation, marge et réintégration (mort, gestation et renaissance symboliques). Le fait que les lectures de récits initiatiques, tels Premier amour de Ivan Tourgueniev, De si braves garçons de Patrick Modiano et Enfance de Nathalie Sarraute, aient servi à Le Clézio comme support intertextuel (cf. Pons, 1989, 66) corrobore cette hypothèse. La première partie narre en rétrospective l’enfance heureuse de Gaby, les vagabondages à travers les champs de cannes avec le Cafre Claude Portal, surnommé Ti coco, secrètement amoureux d’elle, puis avec sa meilleure amie Ananta, « l’Indienne en sari rose » (P, 170). Après la mort et l’enterrement de son père, Gaby quitte l’île Maurice pour Bordeaux en février 1929, elle a 18 ans. Pour elle, « partir [est] une délivrance » (P, 169). La traversée et son arrivée en France, sa rencontre et son mariage avec Jean Prat, étudiant en droit introverti et héritier d’une riche usine de robinets et de clapets, ainsi que sa grossesse en 1938 dans une maison vétuste, mais charmante à Nice, illustrent des rites de passage qui comblent Gaby de bonheur. Les soirées de bals et divertissements à Bordeaux et à Paris, qui rappellent les loisirs mondains et fêtes populaires de The Great Gatsby de S. F. Fitzgerald (cf. Salles, 2007, 145), les escapades aventureuses en Dodge décapotable en Normandie trahissant un caractère hédoniste et sexuel et le « désir irrésistible de fuir » (Proust, 1978, 68) qu’on retrouve dans les Impressions de route en automobile de Marcel Proust, accentuent la valeur magique de cette saison heureuse. Mais le malheur survient avec l’endettement du couple, la santé fragilisée de Gaby, la rupture totale avec la famille Prat, la mobilisation de Jean et la séquestration de la maison par les soldats allemands en 1943, provoquant la chute de Gaby pour qui seule la naissance de son fils Ignace, surnommé Ini, est une lueur d’espoir. Cet « enfant blanc » (Roussel-Gillet, 2008, 142) se présente sous le signe de l’absence, du silence et du retardement : son mutisme reflète la signification du mot latin « infans », celui qui ne sait pas parler. Et tandis que le nom est évocateur du mot « ignare », son origine latine renvoie à l’enflammé, motif renforcé par les premières paroles d’Ini « Lu-mière » (P, 190). Ce nom dote l’enfant d’un caractère serein, secret et miraculeux faisant écho au Contre-Réformiste et missionnaire basque du XVIe siècle Ignace de Loyola (cf. Roussel-Gillet, 2008, 147) et à la figure mystique du poème surréaliste « Iniji » de Henri Michaux. Le sobriquet Ini, forme tronquée du prénom Iñigo que choisit Gaby, mais qui n’est pas accepté par les autorités, souligne la valeur scissionniste de l’initiation.

Jean disparu, « dévoré » (P, 184) par la guerre, Gaby essaie de survivre à Nice, pendant les années noires après 1945. S’enfonçant de plus en plus dans la pauvreté, la solitude et la léthargie, elle tombe malade et perd la vue. Le double jeu du nouveau voisin Sguilario, qui se présente comme guérisseur, mais est en réalité « un voleur et violeur » (Cartal-Falk, 2011, 54), ne fait qu’aggraver la situation. Au seuil de la mort, Gaby est sauvée par Ini qui, mourant de faim, va mendier à la porte de la voisine, Mme Müller. Après sa convalescence, les souvenirs d’enfance et le désir de retourner dans son île se font alors de plus en plus prégnants. C’est l’apparition fugitive et illuminée d’Ananta qui la décide à y retourner en compagnie d’Ini le 24 février 1967. Mais la fille prodigue ne reconnaît plus son île à l’aube de l’Indépendance, la maison familiale à Maurice n’existe plus, Gaby est en proie au doute : « Est-ce que j’ai un pays ? » (P, 197). Sa quête d’Ananta aussi est un échec : Ti coco et Ini lui cacheront qu’elle est morte pauvre, juste après la guerre, ayant soigné les plus démunis. En revanche, la sollicitude et le soutien pécuniaire de Ti coco ainsi que l’hiver austral dans la petite cabane rappellent à Gaby la période heureuse à Nice. Mais avec les pluies resurgissent les problèmes : Gaby et Ini doivent déménager chez Ti coco qui tombe malade et meurt en janvier 1968. Son secret, la pension envoyée à Gaby en France, n’est révélé à Ini et au lecteur qu’à la fin, l’indifférente et aveugle Gaby n’en saura jamais rien. En proie à la fièvre, au délire, elle meurt le 12 mars 1968, le jour de l’Indépendance de Maurice, et est enterrée auprès de Ti coco. Ce moment terminal est sublimé par trois éléments à valeur cathartique, évocateurs des rites de passage et du renouvellement : ses larmes qui sont « comme une eau bienfaisante, comme la pluie des toits » (P, 201), sa vision épiphanique d’Ananta qui l’attend, et sa réunion avec Ti coco dans la mort. Cette structure circulaire, accentuée par le motif de l’enterrement et des pluies au début et à la fin du récit, reflète un réseau hautement symbolique de la naissance et du retour aux origines.

 

La question de la femme

 

Outre le motif de l’initiation et de la quête, le récit questionne la condition de la femme. Tandis que les hommes, hormis Ti coco et Ini, sont pratiquement effacés de l’histoire, les femmes y sont très présentes. Ainsi, l’orpheline Gaby, dont le seul souvenir de sa mère est celui de l’ouragan, est soutenue par plusieurs femmes bienveillantes. La tante Emma l’aide à quitter l’île, la cousine Henriette l’accueille en France, la tante Colombe, seule parente de la famille Prat qui l’accepte et l’appelle « Ma belle » (P, 182), l’aide à mettre Ini au monde, Madame Müller sauve mère et enfant, la vieille servante noire Thérésa et la vision de sa meilleure amie Ananta partagent le soir de sa vie. Quant à Gaby, elle manifeste sa générosité en aidant les filles et femmes abandonnées, malades, vieilles, enceintes ou prostituées (cf. P, 200). Les multiples points de vue narratifs font de Gaby un personnage ambivalent. Ils laissent transparaître une critique sociale et de la France et de « la jeunesse blessée de Maurice » (Salles, 2012, 57) où les femmes doivent vivre « la pauvreté, la solitude, la maladie » (P, 172) et sont considérées comme des êtres inférieurs, sans droit ni libertés. À son arrivée en France, Gaby est décrite par le narrateur comme l’idéal féminin : une « créole » attirante et belle avec son « teint hâlé » et sa « masse de cheveux noirs » (P, 172). La sensualité, la souplesse, le mystère (cf. Salles, 2007, 211), « la lumière et la douceur de son île, le bleu magique de la mer des Indes » (P, 173), sa jeunesse, la gaieté et liberté créole qui l’animent font d’elle un personnage « ardent[…] éblouissant[…] » (P, 172), à l’image des créoles des poèmes de Baudelaire : « À une dame créole », « La belle Dorothée » et « À une Malabaraise ». Fasciné par son « rayonnement des tropiques » (P, 174), Jean tombe tout de suite amoureux d’elle. Elle est son « Amazone » (P, 179) qui sait transformer une simple voiture en navire mythique voguant à travers l’espace. Les scènes d’amour où Gaby prend l’initiative laissent entrevoir son indépendance et sa force de caractère autant qu’un comportement indifférent, aveugle, d’une « cruauté bouleversante » (P, 170). Nonobstant, cette métisse devient rapidement victime de la société occidentale qui fait preuve de racisme quotidien et ordinaire. Elle n’est pour la famille Prat qu’une« créole pauvre » (P, 174) qui parle bizarrement, qui a assurément du « sang noir, du sang indien » (P, 174) en elle et qui a Jean « sous sa coupe » (P, 175). Gaby se voit transformée en enchanteresse, et son nom est réduit au pronom personnel : C’est « Elle » (P, 175) qui a « subjugué » (P, 174) et « envoûté » (P, 175) Jean et c’est elle qui lui « souffle ces mauvaises idées » (P, 180) au sujet de l’entreprise. Dans son plus grand dénuement, elle sera mise au ban de la famille de Jean et malheureusement, même à son retour à Maurice, toujours dénigrée, elle ne sera définie qu’à travers l’homme : « celle dont le mari avait disparu » (P, 198).

 

Réflexion métatextuelle : la création poétique

 

« La saison des pluies » suggère enfin des pistes de réflexion sur l’inspiration créatrice et le travail poétique de Le Clézio. Les cinq nouvelles du recueil sont écrites sous le signe des quatre saisons, la question se pose alors du rôle métatextuel de la saison des pluies. Tandis que le printemps est la « saison du renouveau et de la mobilisation » (Roussel-Gillet, 2008, 143), la saison des pluies est celle « des renaissances » (ibid., 142) rappelant le rythme cosmique de l’éternel retour et du renouvellement, traits distinctifs des contes et des mythes où le temps terrestre est substitué au passé intemporel. Isabelle Roussel-Gillet (2008, 142) puis Bruno Thibault (2009, 192) la rattachent à la cinquième saison, saison que C. Albucius Silus déclare être la saison de la petite enfance, l’âge des commencements « où les choses impossibles sont possibles » (Quignard, 1990, 68) : une période magique, qui « n’a pas d’âge, ne relève point du calendrier » (Segalen, 1995, 259). Elle est la « marque fondamentale des souvenirs » (Bachelard, 1960, 100) purs à temporalité vague, anachronique. Cette réalité virtuelle sous-entend une zone d’enchantement, une « vacance » au double sens du terme. La réduction des analepses, l’effacement du décalage des saisons entre l’île Maurice et l’Europe, du temps linéaire et de la juxtaposition des temps du récit et du discours favorisent l’acte créateur. Les quatre occurrences de la phrase « [c]’est comme cela que je vois [Gaby] » (P, 172), « c’est comme cela que je l’imagine » (P, 173), et le nombre de questions et de modalisateurs, – « peut-être » – suggèrent l’effort du narrateur pour entrer dans l’histoire, suspendre espace et temps, et voir « à travers la fenêtre du temps » (P, 169) cet autre monde imaginaire et magique. Cette cinquième saison, la saison des pluies, c’est la « temporalité de la fiction par excellence » (Pautrot, 2007, 108), de la création artistique et de la lecture, le temps du rêve et du mythe.

 

Cécile Köstler

 

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

ASGARALLY, Issa, Italiques 6, numéro spécial, Mauritius, 1999, p. 20 ; BACHELARD, Gaston, La poétique de la rêverie, Paris, Presses universitaires de France, 1960 ; CARTAL-FALK Amy, « L’aventure du vide : étude intertextuelle de « La saison des pluies » de J.-M. G. Le Clézio et de L’Essai sur l’exotisme de Victor Segalen », in CAVALLERO, Claude et CAMELIN, Colette (dirs), Le Clézio, Glissant, Segalen : La quête comme déconstruction de l’aventure. Actes du colloque de Chambéry, décembre 2010, Chambéry, Université de Savoie, 2011, p. 49-57 ; GENNEP, Arnold van, Les Rites de passage, Paris, Picard, 1991 ; LE CLÉZIO, J.-M. G., Printemps et autres saisons, Paris, Gallimard, coll. « Le Chemin », 1989, p. 169-203 ; PAUTROT, Jean-Louis, Pascal Quignard ou le fonds du monde, Amsterdam, Rodopi, 2007 ; PONS, Anne, et Le CLÉZIO, J.-M. G., « Le Clézio renverse le temps », L’Express 1974, 12.05.1989, p. 66 ; PROUST, Marcel, Contre Sainte- Beuve précédé de Pastiches et mélanges et suivi de Essais et articles, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1978 ; QUIGNARD, Pascal, Albucius, Paris, P.O.L., 1990 ; ROUSSEL-GILLET, Isabelle, « Des saisons et des lisières, de « Printemps » à « La Saison des pluies », Cahiers Robinson, Le Clézio aux lisières de l’enfance, Artois Presses Universitaires, Roussel-Gillet (éd.), 2008, p. 141-150 ; SALLES, Marina, Le Clézio, « peintre de la vie moderne », Paris, L’Harmattan, 2007 ; SALLES, Marina, « Le Clézio, possibilités d’une île », Magazine littéraire 521, juillet-août 2012, p. 56-57 ; SEGALEN, Victor, Œuvres complètes, Paris, Robert Laffont, 1995 ; THIBAULT, Bruno, J.-M. G. Le Clézio et la métaphore exotique, Amsterdam-New-York, Rodopi, 2009.

« PASSEUR (LE) »

in Dictionnaire / by stéphane Rozencwajg
16 juin 2017

Avant-propos
Oeuvres
Romans
AFRICAIN (L')
ALMA
CHERCHEUR D’OR (LE)
DÉSERT
DIEGO ET FRIDA
ÉTOILE ERRANTE
GÉANTS (LES)
GENS DES NUAGES
GUERRE (LA)
ONITSHA
OURANIA
PROCÈS VERBAL (LE)
QUARANTAINE (LA)
RAGA : APPROCHE DU CONTINENT INVISIBLE
RÉVOLUTIONS
TERRA AMATA
VOYAGE À RODRIGUES
Nouvelles et textes brefs
« AMOUR SECRET »
« ANGOLI MALA »
« ARBRE YAMA (L') »
« ARIANE »
« CHANSON BRETONNE »
suivi de « ENFANT ET LA GUERRE (L’) »
« ÉCHAPPÉ (L’) »
« FANTÔMES DANS LA RUE »
« GÉNIE DATURA (LE) »
« GRANDE VIE (LA) »
« HAZARAN »
« IL ME SEMBLE QUE LE BATEAU SE DIRIGE VERS L’ÎLE »
« L.E.L., DERNIERS JOURS »
« MARTIN »
« MOLOCH »
« ORLAMONDE »
« PASSEUR (LE) »
« PAWANA »
« PEUPLE DU CIEL »
« RONDE (LA) »
« ROUE D’EAU (LA) »
« SAISON DES PLUIES (LA) »
« TEMPÊTE »
« TRÉSOR »
« VILLA AURORE »
« ZINNA »
Essais
EXTASE MATÉRIELLE (L')
FLOT DE LA POÉSIE CONTINUERA DE COULER (LE)
HAÏ
INCONNU SUR LA TERRE (L’)
PROPHÉTIES DU CHILAM BALAM (LES)
RÊVE MEXICAIN (LE)
SISMOGRAPHE (LE)
Personnages
Fictifs
ADAM POLLO
ALEXIS
ANTOINE
DAVID
FINTAN
JADI
Personnes réelles
BARRAGÁN (LUIS)
BAUDELAIRE
CAILLIÉ (RENÉ)
CHAZAL (DE) MALCOLM
DARWICH MAHMOUD
HUMBOLDT (VON) ALEXANDER
FRIDA KAHLO
LETITIA ELIZABETH LANDON (L.E.L.)
LONGFELLOW
MA EL AÏNINE
MALINCHE (LA)
MENCHÙ RIGOBERTA
RATSITATANE
RULFO (JUAN)
SENGHOR, L.S.
Lieux
Afrique
CHAGOS (ARCHIPEL DES)
CHAGOS (ARCHIPEL DES) MàJ 2022
COLLÈGE ROYAL DE CUREPIPE (LE)
EURÉKA
MAURICE (ÎLE)
MORNE (LE)
NIGER (FLEUVE)
PLATE (ÎLE)
RODRIGUES (ÎLE)
SAGUIA EL HAMRA
Amérique
CHIAPAS (LE)
MEDELLÍN
MEXICO
PACHACAMAC
VOLCAN PARICUTIN
Asie
SÉOUL
Europe
Nice
Lexique
BIAFRA (GUERRE DU)
CANNE À SUCRE
CHAUVE-SOURIS
CIPAYES (RÉVOLTE DES)
COSTUMBRISME
CRISTEROS (GUERRE DES) OU CHRISTIADE
DODO (LE)
ÉCOLOGIE
FLORE (Maurice)
HINDOUISME
LANGAGE DES OISEAUX (LE)
LANGUE BRETONNE
LOUVRE (LE)
MURALISME
OISEAUX (MAURICE)
PROSE POÉTIQUE
SAINT-AUBIN-DU-CORMIER (BATAILLE DE)
SANDUNGA
SIRANDANE
SOUFISME
Bibliographie et abréviations
Auteurs

 

La nouvelle « Le passeur » a été publiée en 1982 dans La Ronde et autres faits divers. Si dans la première partie, ce titre convient parfaitement au personnage de Tartamella qui joue le rôle de « passeur » pour un groupe d’immigrés qui franchissent clandestinement la frontière entre la France et l’Italie ; dans la seconde partie, cette appellation renvoie à Miloz, un clandestin venu de l’Est qui re-passe seul la frontière en sens inverse pour retourner dans son pays. Le titre « Le passeur » change alors de sens, s’inversant littéralement entre le début et la fin de cette histoire.

Comme dans plusieurs autres nouvelles de ce recueil, l’histoire de Miloz n’entretient pas un rapport immédiat à la catégorie des « faits divers ». En effet dans cette nouvelle de vingt-cinq pages, ce qui relève du fait divers n’est pas dans le passage d’un ouvrier clandestin qui viendrait en France pour travailler, mais plutôt dans le fait qu’après un an d’exploitation et de vie clandestine, il choisisse de revenir à son point de départ. Cela pourrait se résumer par un « chapeau » placé en tête d’une enquête réalisée par un journaliste d’investigation : « Venu de l’est, attiré par la France et le travail qu’il pouvait y trouver, Miloz a passé la frontière clandestinement il y a un an. Mais aujourd’hui, il a décidé de refaire le chemin en sens inverse pour retrouver la « vraie vie » et Léna qui l’attend « au pays ».

La nouvelle met en scène un groupe d’hommes venus de Grèce, de Tunisie, de Turquie, de Yougoslavie, ou encore d’Égypte. Les références aux réalités sociales et géographiques sont nombreuses et les chemins empruntés sont clairement identifiés : Trieste, Milan, puis la rivière Roïa, le village de San Antonio, le roc d’Ormea, Castellar et enfin « la grande ville » qui pourrait être Menton ou Nice. Pour Miloz, tout se joue dans un espace limité qui s’inscrit dans la tradition des contrebandiers à la frontière franco-italienne, espace parfaitement identifiable dès l’incipit par la mention de la Roïa, rivière située entre le col de Tende et la mer Ligure, dans les Alpes du sud.

Mais l’originalité tient au choix que fait Le Clézio, comme dans d’autres nouvelles, de situer la réalité contemporaine en la doublant d’un arrière-fond mythologique qui lui confère une dimension intemporelle et universelle. Ainsi deux mythes bibliques semblent à l’œuvre dans « Le Passeur » : celui de Babel et celui de la Terre Promise.

D’abord, la situation initiale décrit un monde où les peuples sont dispersés, issus « de toutes nationalités, grecque, turque, égyptienne, yougoslave, tunisienne... » et parlent « toutes sortes de langues » (p. 195). N’est-ce pas là le résultat d’une punition divine imposée aux hommes qui ont voulu construire la tour de Babel ! Miloz ne réussira à vaincre cette malédiction que le jour où « il sent qu’il y a communication avec l’autre homme » (p. 207).

Ensuite tous ces hommes différents font la même quête, le même rêve : passer en France, à leurs yeux « terre promise » (p. 208), lieu où ils trouveront du travail. Franchissant clandestinement la frontière entre l’Italie et la France, Miloz, est un de ces émigrés venu des pays de l’Est qui, en exil, devient un immigré qui cherche à s’intégrer. Certes il trouve du travail, mais on lui prend ses papiers et chaque soir on le parque dans une cabane de taule. Au bout d’une année d’exploitation, d’incompréhension et de désillusion, il prend conscience qu’il est rejeté de tout et de tous, dans un monde déshumanisé qui ne pense qu’au profit. Il comprend alors un peu tard que la France n’est pas cette terre promise, que toutes les valeurs y sont perverties, puisqu’il y est prisonnier, esclave avec un « chien-loup », véritable Moloch pour le garder (p. 213). Enfin, il constate que la terre promise n’est qu’un « paradis perdu » : il lui faudra fuir la ville avec ses « lumières artificielles » et ses « amazones », fuir un monde moderne qui exclut, pour faire un retour au cœur d’un monde qui intègre, pour retrouver ses origines, sa terre natale et surtout sa fiancée, Léna, ainsi que toutes les vraies valeurs qui sont les siennes : l’homme, le travail, la nature, la liberté, l’amour…

De ce point de vue, le personnage de Miloz appartient à la grande galerie des « victimes-coupables » qui peuplent les ouvrages de Le Clézio, ici victime des petits patrons qui exploitent les travailleurs immigrés, mais aussi coupable d’avoir laissé Léna seule au pays et d’avoir trahi son idéal.

Plusieurs mouvements dans l’espace symbolisent ce long cheminement de Miloz, à la fois physique et psychologique. D’abord un mouvement d’ascension lorsqu’il refait seul, en sens inverse, un an juste après son premier passage, « sa marche vers la haute montagne […]  sous le soleil éblouissant » (p. 221) pour rentrer chez lui. Son parcours, à la fois réel et symbolique, est aussi une élévation morale qui est à rapprocher de celui d’Annah (« Orlamonde »), de Tayar (« L’échappé ») et de Jon (« La Montagne du Dieu vivant » dans le recueil Mondo et autres histoires).

Si ce mouvement du bas vers le haut anime le personnage, un autre mouvement est à l’œuvre : celui du centre vers l’ailleurs, puis de l’ailleurs vers le centre, inversant force centripète et force centrifuge. En effet, dans un premier temps, Miloz fuit son pays, attiré par la France et ce qu’elle représente ; dans un second temps, il fuit la France pour retrouver son pays d’origine.

C’est donc dans un mouvement circulaire que Miloz revient à son point de départ et « boucle sa ronde » qui aura duré juste un an, le temps d’une « ronde » des saisons, lui qui avait perdu la notion de temps, jusqu’à ce qu’un soir d’hiver et de froid, il prenne conscience « qu’une année entière s’est écoulée » (p. 215) et que cela ne pouvait plus durer. Jusqu’à ce qu’il décide de faire le chemin inverse pour remonter « vers le commencement du temps »(p. 221).

Sans faire de morale ni donner de leçon, l’univers de Le Clézio n’est jamais manichéiste, il dresse un « procès-verbal » et fait réfléchir le lecteur. En s’éloignant du fait divers et de sa relation journalistique, cette nouvelle, datée de 1982, reste toujours d’actualité parce que Le Clézio a su donner une valeur universelle à une histoire particulière.

 

Joël Glaziou

 

 

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

LE CLÉZIO J.-M.G., La Ronde et autres faits divers, Paris, Gallimard, Folio n° 2148, 1982, (p. 195-221) ; Glaziou Joël, La Ronde et autres faits divers, Paris, Éditions Bertrand-Lacoste, coll. Parcours de lecture, 2001 ; « Dans la marge… des forces en marche : portraits de quelques marginaux dans l’œuvre de Le Clézio » in Figure du marginal dans la littérature française et francophone, Recherches sur l’imaginaire, Cahier XXIX, Presses Universitaires d’Angers, 2003, p. 221-228 ; SALLES, Marina, Le CLÉZIO, « Peintre de la vie moderne », Paris, L’Hamattan, 2007, p. 160-173 ; THIBAULT, Bruno, Le CLÉZIO et la métaphore exotique, Amsterdam, New York, Rodopi, 2009, p.115-116.

 

 

 

 

          « L’Échappé ».

« HAZARAN »

in Dictionnaire / by stéphane Rozencwajg
16 juin 2017
Avant-propos
Oeuvres
Romans
AFRICAIN (L')
ALMA
CHERCHEUR D’OR (LE)
DÉSERT
DIEGO ET FRIDA
ÉTOILE ERRANTE
GÉANTS (LES)
GENS DES NUAGES
GUERRE (LA)
ONITSHA
OURANIA
PROCÈS VERBAL (LE)
QUARANTAINE (LA)
RAGA : APPROCHE DU CONTINENT INVISIBLE
RÉVOLUTIONS
TERRA AMATA
VOYAGE À RODRIGUES
Nouvelles et textes brefs
« AMOUR SECRET »
« ANGOLI MALA »
« ARBRE YAMA (L') »
« ARIANE »
« CHANSON BRETONNE »
suivi de « ENFANT ET LA GUERRE (L’) »
« ÉCHAPPÉ (L’) »
« FANTÔMES DANS LA RUE »
« GÉNIE DATURA (LE) »
« GRANDE VIE (LA) »
« HAZARAN »
« IL ME SEMBLE QUE LE BATEAU SE DIRIGE VERS L’ÎLE »
« L.E.L., DERNIERS JOURS »
« MARTIN »
« MOLOCH »
« ORLAMONDE »
« PASSEUR (LE) »
« PAWANA »
« PEUPLE DU CIEL »
« RONDE (LA) »
« ROUE D’EAU (LA) »
« SAISON DES PLUIES (LA) »
« TEMPÊTE »
« TRÉSOR »
« VILLA AURORE »
« ZINNA »
Essais
EXTASE MATÉRIELLE (L')
FLOT DE LA POÉSIE CONTINUERA DE COULER (LE)
HAÏ
INCONNU SUR LA TERRE (L’)
PROPHÉTIES DU CHILAM BALAM (LES)
RÊVE MEXICAIN (LE)
SISMOGRAPHE (LE)
Personnages
Fictifs
ADAM POLLO
ALEXIS
ANTOINE
DAVID
FINTAN
JADI
Personnes réelles
BARRAGÁN (LUIS)
BAUDELAIRE
CAILLIÉ (RENÉ)
CHAZAL (DE) MALCOLM
DARWICH MAHMOUD
HUMBOLDT (VON) ALEXANDER
FRIDA KAHLO
LETITIA ELIZABETH LANDON (L.E.L.)
LONGFELLOW
MA EL AÏNINE
MALINCHE (LA)
MENCHÙ RIGOBERTA
RATSITATANE
RULFO (JUAN)
SENGHOR, L.S.
Lieux
Afrique
CHAGOS (ARCHIPEL DES)
CHAGOS (ARCHIPEL DES) MàJ 2022
COLLÈGE ROYAL DE CUREPIPE (LE)
EURÉKA
MAURICE (ÎLE)
MORNE (LE)
NIGER (FLEUVE)
PLATE (ÎLE)
RODRIGUES (ÎLE)
SAGUIA EL HAMRA
Amérique
CHIAPAS (LE)
MEDELLÍN
MEXICO
PACHACAMAC
VOLCAN PARICUTIN
Asie
SÉOUL
Europe
Nice
Lexique
BIAFRA (GUERRE DU)
CANNE À SUCRE
CHAUVE-SOURIS
CIPAYES (RÉVOLTE DES)
COSTUMBRISME
CRISTEROS (GUERRE DES) OU CHRISTIADE
DODO (LE)
ÉCOLOGIE
FLORE (Maurice)
HINDOUISME
LANGAGE DES OISEAUX (LE)
LANGUE BRETONNE
LOUVRE (LE)
MURALISME
OISEAUX (MAURICE)
PROSE POÉTIQUE
SAINT-AUBIN-DU-CORMIER (BATAILLE DE)
SANDUNGA
SIRANDANE
SOUFISME
Bibliographie et abréviations
Auteurs

 

« Hazaran » est la sixième nouvelle du recueil Mondo et autres histoires, publié en 1978, mais dont la genèse s’est étendue, d’après Le Clézio lui-même, sur une période assez longue. Cette genèse coïncide avec celle de L’ Inconnu sur la terre, paru la même année, et dont la quatrième de couverture souligne la proximité avec Mondo. Par ailleurs, ces deux textes jumelés s’inscrivent dans un cycle plus long, consacré à l’univers indien, et jalonné, avant Mondo, par Haï (1971), Les Prophéties du Chilam Balam (1976), et ensuite, par Trois villes saintes (1980), Relation de Michoacán (1984) et Le Rêve mexicain (1988). L’univers indien est explicitement présent dans le recueil avec la nouvelle « Peuple du ciel », mais Le Clézio a, plus généralement, beaucoup insisté sur cette affinité dans son entretien avec Pierre Boncenne au Nouveau Mexique en 1978, juste après la publication de Mondo, et que je solliciterai dès lors comme un paratexte. Le Clézio y évoque la culture indienne, son « harmonie complète » avec la nature et sa « langue magique », au point de rendre l’homme « transparent », mais il insiste aussi sur ce qui l’en sépare, au point de regretter d’avoir été là-bas : « je ne sais vraiment pas à quel point cet univers est fragile, à quel point il peut être détruit facilement. Et il sera détruit… » (« J.M.G. Le Clézio s’explique », p. 49). Tout se passe ainsi comme si le monde indien, avec la figure du chaman et son « art de guérison » (Thibault, 2009), et opposé à la civilisation urbaine, était devenu un modèle perdu, fantomatique.

« Hazaran » n’appartient pas expressément à l’univers indien, mais repose également sur l’opposition fondatrice, chez Le Clézio, entre le monde occidental et un monde « autre », orienté vers la nature et la fable. L’histoire se déroule sur « la Digue des Français » dans ce qui est vraisemblablement une ville méditerranéenne (Nice) où est venue se réfugier une population migratoire diverse (M, 191). C’est cette marge qui sera porteuse, pour Le Clézio, d’un contre-discours, auquel différents personnages donnent voix.

Le personnage le plus important, dans cette perspective, est Martin, qui vit en marge de la Digue, « au bout du marais, là où commencent les galets de la plage », et il y habite une « hutte circulaire » sans autre orifice qu’une porte basse (M, 193), et qui ouvre de façon significative sur un espace naturel, composé de terre, de roseaux et de ciel bleu (M, 213). Par ailleurs, Martin est animé par un désir de transcendance, il pratique des rites religieux comme le jeûne, et délivre un « enseignement » (M, 202). Quand la communauté de la Digue est expulsée par les autorités, Martin la guide vers l’autre rive dans ce qui apparaît comme une réécriture de la traversée de la mer Rouge, mais sans terre promise : sur l’autre rive, « pas une lumière ne brillait » (M, 217).

Ces éléments tendent à présenter Martin comme une figure d’autorité, sage ou maître oriental dont le regard est plein « d’une force étrange, comme s’il donnait vraiment de la lumière » (M, 216). En même temps, il est marqué par une certaine fragilité, par un tremblé : à la fois vieux et jeune (M, 192), il se confond, dans la présentation sur la quatrième de couverture de l’édition originale, avec les « enfants-fées » du recueil ; de plus, sur celle de l’édition « Folio », son nom est même élidé et le personnage se trouve dès lors occulté par Alia, la jeune fille qui l’écoute fascinée (François Marotin), ce que, d’ailleurs, il était déjà d’entrée de jeu par le titre de la nouvelle.

Il exerce en outre une double activité réparatrice. D’une part, il répare de « petites choses » (une montre, une lampe à gaz…) dans le bidonville de la Digue, et ses mains font l’objet d’une description minutieuse : « Il avait de grandes mains noircies par le soleil, avec des ongles cassés comme les terrassiers et les maçons, mais plus légères et habiles qui savaient faire des nœuds avec des fils minuscules et tourner des écrous qu’on voyait à peine. » (M, 196)

L’activité de Martin ne se situe pas dans la construction en dur, mais, fût-ce métaphoriquement, dans le registre du tissage, avec ce que cela implique de fragilité. D’autre part, Martin est un conteur et il multiplie les (bribes de) fables en s’adressant aux enfants, en particulier à Alia qu’il appelle « lune » (p. 195). L’histoire d’Hazaran, qui donne son titre à la nouvelle, relate le voyage de petite Trèfle dans un pays dont le roi est un rossignol, et ce après avoir été initiée par le scarabée Kepr, emprunté au Livre des Morts de la mythologie égyptienne (François Marotin), et la grande sauterelle verte. Cette fable permet à Alia, qui est, comme petite Trèfle, orpheline, de s’évader dans l’imaginaire et d’y retrouver un ancrage, une communauté, palliant ainsi sa marginalité sociale.

 « Hazaran » donne ainsi à percevoir, en filigrane, une figure chamanique, mais la traduit sur un mode rhapsodique, et la nouvelle peut dès lors se lire comme un tissu de petites fables. Martin semble très proche de l’ethos de Le Clézio qui avouait à Pierre Boncenne sa fascination pour le culte d’Orphée, tout en se déclarant, certes, « simple producteur-artisan » : il effectue, nous dit-il, un travail analogue à celui qui produit des cageots de tomates (« J.M.G. Le Clézio s’explique », p. 49). Ou encore, à Josyane Savigneau : « Un écrivain est quelqu’un qui a des manies de petit artisan, de fabricant de bijoux. » (« Se refuser à tout ce qui sclérose »).

         

Bruno Tritsmans

 

 

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

GLAZIOU, Joël, « Dans la marge… des forces en marche. Portraits de quelques marginaux dans l’œuvre de Le Clézio », Recherches sur l’imaginaire, 29, (2003), p. 221-228 ; LE CLÉZIO, J.-M.G, Mondo et autres histoires, Paris, Gallimard, 1978 (réédition dans la collection « Folio », 1982) ; « J.M.G. Le Clézio s’explique ». Entretien avec Pierre BONCENNE, Lire, 32, (avril 1978), p. 20-49 ; « Se refuser à tout ce qui sclérose », Entretien avec Josyane SAVIGNEAU, Le Monde du 15 février 1985 ; Ailleurs. Entretiens avec Jean-Louis ÉZINE, Arléa, 1995 ; MAROTIN, François, Mondo et autres histoires de J.M.G.Le Clézio, Paris, Gallimard, 1995 ; THIBAULT, Bruno, J.M.G. Le Clézio et la métaphore exotique, Amsterdam-New York, Rodopi, 2009 ; TRITSMANS, Bruno, « Savoir du monde et artisanat », Europe, 957-958, (janvier-février 2009), p. 129-138.

 

 

 

RAGA : APPROCHE DU CONTINENT INVISIBLE

in Dictionnaire / by Dominique Lanni
16 juin 2017
Avant-propos
Oeuvres
Romans
AFRICAIN (L')
ALMA
CHERCHEUR D’OR (LE)
DÉSERT
DIEGO ET FRIDA
ÉTOILE ERRANTE
GÉANTS (LES)
GENS DES NUAGES
GUERRE (LA)
ONITSHA
OURANIA
PROCÈS VERBAL (LE)
QUARANTAINE (LA)
RAGA : APPROCHE DU CONTINENT INVISIBLE
RÉVOLUTIONS
TERRA AMATA
VOYAGE À RODRIGUES
Nouvelles et textes brefs
« AMOUR SECRET »
« ANGOLI MALA »
« ARBRE YAMA (L') »
« ARIANE »
« CHANSON BRETONNE »
suivi de « ENFANT ET LA GUERRE (L’) »
« ÉCHAPPÉ (L’) »
« FANTÔMES DANS LA RUE »
« GÉNIE DATURA (LE) »
« GRANDE VIE (LA) »
« HAZARAN »
« IL ME SEMBLE QUE LE BATEAU SE DIRIGE VERS L’ÎLE »
« L.E.L., DERNIERS JOURS »
« MARTIN »
« MOLOCH »
« ORLAMONDE »
« PASSEUR (LE) »
« PAWANA »
« PEUPLE DU CIEL »
« RONDE (LA) »
« ROUE D’EAU (LA) »
« SAISON DES PLUIES (LA) »
« TEMPÊTE »
« TRÉSOR »
« VILLA AURORE »
« ZINNA »
Essais
EXTASE MATÉRIELLE (L')
FLOT DE LA POÉSIE CONTINUERA DE COULER (LE)
HAÏ
INCONNU SUR LA TERRE (L’)
PROPHÉTIES DU CHILAM BALAM (LES)
RÊVE MEXICAIN (LE)
SISMOGRAPHE (LE)
Personnages
Fictifs
ADAM POLLO
ALEXIS
ANTOINE
DAVID
FINTAN
JADI
Personnes réelles
BARRAGÁN (LUIS)
BAUDELAIRE
CAILLIÉ (RENÉ)
CHAZAL (DE) MALCOLM
DARWICH MAHMOUD
HUMBOLDT (VON) ALEXANDER
FRIDA KAHLO
LETITIA ELIZABETH LANDON (L.E.L.)
LONGFELLOW
MA EL AÏNINE
MALINCHE (LA)
MENCHÙ RIGOBERTA
RATSITATANE
RULFO (JUAN)
SENGHOR, L.S.
Lieux
Afrique
CHAGOS (ARCHIPEL DES)
CHAGOS (ARCHIPEL DES) MàJ 2022
COLLÈGE ROYAL DE CUREPIPE (LE)
EURÉKA
MAURICE (ÎLE)
MORNE (LE)
NIGER (FLEUVE)
PLATE (ÎLE)
RODRIGUES (ÎLE)
SAGUIA EL HAMRA
Amérique
CHIAPAS (LE)
MEDELLÍN
MEXICO
PACHACAMAC
VOLCAN PARICUTIN
Asie
SÉOUL
Europe
Nice
Lexique
BIAFRA (GUERRE DU)
CANNE À SUCRE
CHAUVE-SOURIS
CIPAYES (RÉVOLTE DES)
COSTUMBRISME
CRISTEROS (GUERRE DES) OU CHRISTIADE
DODO (LE)
ÉCOLOGIE
FLORE (Maurice)
HINDOUISME
LANGAGE DES OISEAUX (LE)
LANGUE BRETONNE
LOUVRE (LE)
MURALISME
OISEAUX (MAURICE)
PROSE POÉTIQUE
SAINT-AUBIN-DU-CORMIER (BATAILLE DE)
SANDUNGA
SIRANDANE
SOUFISME
Bibliographie et abréviations
Auteurs

 

Raga est un récit de voyage, un recueil de contes et légendes, une synthèse d’études historiographiques et anthropologiques, un livre de témoignages et un essai politique. Publié dans le cadre d’une collection, dirigée par Édouard Glissant, consacrée à des « textes d’écrivains partis à la rencontre de peuples accessibles par la seule voie d’eau », le livre commence par une réflexion historique sur le rapport entre les pays des explorateurs, les pays colonisateurs et les peuples du Pacifique, notamment ceux de l’île de Pentecôte (dans l’actuelle République de Vanuatu). Le narrateur explique que l’île s’appelle Raga en langue apma et Aorea en langue sa (R, 9), soulignant dès le commencement la complexité et l’autonomie linguistique du lieu dont il parle.

 

Un livre d’approche

 

Le narrateur de Raga est un visiteur qui apprend ou réapprend à visiter. Dominique Fisher constate « la conscience de l’auteur-narrateur de ses limites en tant que nouvel écrivain voyageur ou passeur culturel. Son approche de Raga, sa posture de visiteur, rencontrent les limites de son extériorité » (Fisher, 2015, 208). Les visites antérieures n’ont pas été innocentes. À part les premiers habitants qui s’y sont installés en invoquant les esprits de l’île, tous les autres sont venus pour exploiter et détruire. Ce sont les explorateurs, les pirates, les trafiquants d’esclaves, les missionnaires, les colonisateurs, les anthropologues, les pédophiles et les touristes : tous ceux qui ont façonné un modèle violent et indéfendable qui inspirent la méfiance à laquelle le narrateur sera confronté et qu’il ressent à l’égard de sa propre conscience. Que faire ?

 

Le narrateur évoque un voyage imaginaire dont les personnages pourraient être les ancêtres des témoins qu’il rencontre lors de sa propre visite. Il espère initier un dialogue plus intime, plus intense et plus solidaire que celui d’un enquêteur étranger. Il citera les observateurs venus avant lui dans la région du Pacifique – de Gauguin à Malinowski – sans s’identifier à eux. Jean-Xavier Ridon critique cet effort pour se distinguer des autres en oubliant parfois que sa présence sur l’île Pentecôte « est inséparable d’une histoire de la représentation du ‘sauvage’ dans la culture occidentale et de sa manipulation au cours des siècles » (Ridon, 2010, 90).

 

On peut lire Raga du point de vue de cette intention, nécessairement problématique, de connaître les gens de Raga sans répéter les comportements des autres visiteurs. Mais on peut aussi réfléchir à l’impact du « continent invisible » sur le narrateur. Le résultat n’éliminera pas les conditions des écrits portant sur des peuples recherchés pour ce que l’on perçoit comme leur altérité. Mais à force de suivre un narrateur qui passe par le malaise, la reconnaissance du malaise de l’autre, l’identification et enfin le partage, le lecteur aperçoit l’émergence d’un discours de résistance implicitement indépendant de celui du narrateur.

 

Raga comme jardin

 

À mesure que la parole passe du narrateur à ses interlocuteurs dans les communautés indigènes, c’est la vision de ces dernières qui affleure à la surface du texte sous forme de récits, de contes, de légendes, et de pratiques artisanales dont la signification est à la fois économique, culturelle et spirituelle. Le narrateur lui-même commence à lire les signes ambiants en fonction de ce qu’il reconnaît et de ce qu’il apprend. Il s’aperçoit par exemple de l’économie-jardin qui se réaffirme en laissant en friche les ruines d’une économie de plantation naguère imposée par les colonisateurs : « Aujourd’hui, Raga est un jardin. Celui qui arrive ici, par la mer ou par les airs, peut croire arriver dans une île sauvage, une sorte de paradis perdu intouché par l’homme. On n’y voit pas de champs, et les plantations de cocotiers qui subsistent le long de la côte sont les reliquats de la colonisation. » (R, 68). Mais il s’agit d’une impression incomplète qui a besoin d’être enrichie par l’observation de la vie économique de militantes-entrepreneuses comme Charlotte Wèi Matansué qui a organisé avec d’autres femmes le renouveau de la fabrication de nattes : un artisanat dont l’exposition du Louvre, dont Le Clézio était l’invité en 2011, a révélé la valeur artistique. Il faut également prendre en compte l’histoire de la dépopulation systématique des Nouvelles-Hébrides (nom colonial de Vanuatu), passant d’un million en 1800 à 45 000 en 1935 (R, 47) et l’effet dévastateur des blackbirds, pirates responsables d’un trafic esclavagiste, fournissant une main-d’œuvre d’origine insulaire à des plantations de coton en Australie et à des mines de la Nouvelle-Calédonie (R, 50). Ainsi, l’impression initiale d’un paradis perdu perd son faux éclat de brochure touristique sans que soit nié pour autant le sens spirituel et politique d’un jardin, non pas secret mais inaperçu, cultivé aux interstices d’une histoire coloniale génocidaire.

 

Résistance

 

Si Le Clézio consacre un chapitre à « L’art de la résistance », c’est parce qu’il sait dans quelle mesure « l’histoire récente du Vanuatu a été caricaturée » (R, 105). À l’encontre de cette caricature, il esquisse le portrait d’une résistance à multiples facettes à tout ce qui vouerait la vie des îles à la mort et à l’oubli. L’origine volcanique des îles implique pour lui « quelque chose de neuf, de précaire, d’imaginatif » (R, 95) qui imprègne l’esprit de leurs habitants. Puisque les volcans qui ont créé les îles représentent aussi la force qui les engloutit parfois avec leurs peuples dans l’océan, les habitants ont appris à allier leur créativité à un sens de la précarité d’une existence au bord du gouffre. On résiste à la disparition potentielle en érigeant par exemple des statues de pierre qui conjuguent la mémoire des disparus à la survie spirituelle, voix résistant à la déchirure du temps autant qu’à celle de la surface de la terre. Leur silence n’est pas innocent, la plupart étant « en exil » dans des musées européens (R, 97). Le sort tragique d’un jeune prétendant qui devient fou quand il perd la femme qu’il aimait devient littéralement le texte de la mémoire-résistance des femmes de Raga qui, en tressant les nattes, choisissent un dessin en souvenir de cet amour mythique (R, 103). Selon Isabelle Roussel-Gillet, la dimension mythique de Raga « affirme une dimension collective et spirituelle qui fait lien pour la communauté » (Roussel-Gillet, 2011, 120).

 

La résistance, bien que diverse et complexe, est conséquente. Les mouvements historiques de révolte, toujours brutalement réprimés, et la création de langues créoles comme le bislama (langue officielle du Vanuatu), constituent « l’action désespérée, ultime, de ceux qui se voyaient condamnés à l’asservissement et à l’extinction » (R, 107). Après avoir esquissé l’histoire de la résistance politique et fait le procès des idées reçues, du sensationnel, des images de consommation, le visiteur revient sur une expérience personnelle. Au cours d’une visite au village de Palimsi, il tombe sur le baptême d’une jeune femme (R, 114). Pourquoi ce passage à la fin d’un chapitre sur la résistance ? Aux yeux du narrateur il s’agit ici d’un acte collectif libre : « Un bref instant, la rivière Palimsi était la rivière Jourdain, malgré l’éloignement du temps, malgré le poids des siècles, malgré l’usure de la connaissance, et tout est simple de nouveau. » (R, 116). Cette communauté a affirmé son droit de choisir les modalités de sa résistance et son renouvellement.

 

Le récit de voyage comme critique

 

Selon Bernadette Rey Mimoso-Ruiz, « Représenter l’île signifie aussi dire les violences de l’histoire et les méfaits sur la nature puis sur les habitants, des découvreurs et des colonisateurs. » (Rey Mimoso-Ruiz, 2015). Le Clézio admet que, alors que tout ce qu’il a vu et compris d’humain à Raga se revêt d’un sens dépassant les guides touristiques, les récits des anthropologues et des prédateurs, « la réalité est tristement banale » (R, 106). Depuis les premiers voyages des explorateurs, les étrangers ont spolié le continent invisible : « Les îles du Sud ont été non seulement les fourre-tout du rêve, mais aussi le rendez-vous des prédateurs. » (R, 106). Prédateurs économiques, religieux, sexuels, militaires et culturels. On n’a pas cessé, au demeurant, de vivre et de se créer, sans ignorer que la violence s’est installée en permanence : « Dans les îles du Pacifique, la violence l’emporte sur la musique, la guerre sur les jeux de l’amour. » (R, 126-127). Les peuples des îles sont « les plus révolutionnaires de toute l’Histoire » (R, 128) parce qu’ils refusent d’oublier que les civilisations prédatrices portent la responsabilité universelle de l’esclavage, de la conquête et de la colonisation, mais surtout parce qu’ils ont « cent ans d’avance sur les autres peuples pour la mise en œuvre du « métissage mental », ce « frottement » (au sens de Montaigne), cette « aventure du mélange » qu’Édouard Glissant nomme « la relation ».  

Quand le narrateur part, l’île « se referme, s’éloigne » (R, 131). Une terre qui se referme au moment de notre départ n’a pas renoncé au droit d’être elle-même. Le narrateur accuse les États modernes d’avoir tenté « d’enfermer les peuples de la mer dans le grillé des frontières » (R, 132). Il a en effet relevé le défi de réfléchir sur un énorme problème pour la conscience humaine (et en 2006 les conséquences de la montée des niveaux des océans pour les nations insulaires n’étaient apparemment pas encore connues), tout en affirmant l’existence d’un jardin qui n’appartient à aucun visiteur.

 

         Robert Miller

 

 

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

BOUNOURE, Gilles, « Jean-Marie Gustave Le Clézio, Raga : approche du continent invisible », Le Journal de la Société des Océanistes, 125, 2007, p. 336-338 ; FISHER, Dominique, « Raga, (en)vers (d’)une politique de l’approche », Contemporary French and Francophone Studies, 19.2, 2015, p. 205-214 ; LE CLÉZIO, J.M.G. Raga : approche du continent invisible, Paris, Seuil, 2006 ; RASSON, Luc et Bruno TRITSMANS, « Écritures du rivage : mythes, idéologies, jeux », L’Esprit Créateur, 51.2, 2011, p. 1-3 ; REY MIMOSO-RUIZ, Bernadette, « Les îles lecléziennes : mémoire et initiation »,  Carnets : Revue électronique des études françaises de l’APEF, 3, 2015 ; RIDON, Jean-Xavier, « L’île perdue : entre invisibilité et nostalgie » in Le Clézio : passeur des arts et des cultures, sous la direction de Thierry Léger, Isabelle Roussel-Gillet et Marina Salles, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 75-91 ; ROUSSEL-GILLET, Isabelle, J.M.G. Le Clézio : écrivain de l’incertitude, Paris, Ellipses, 2011.

 

COLLÈGE ROYAL DE CUREPIPE (LE)

in Dictionnaire / by stéphane Rozencwajg
6 juin 2017
Avant-propos
Oeuvres
Romans
AFRICAIN (L')
ALMA
CHERCHEUR D’OR (LE)
DÉSERT
DIEGO ET FRIDA
ÉTOILE ERRANTE
GÉANTS (LES)
GENS DES NUAGES
GUERRE (LA)
ONITSHA
OURANIA
PROCÈS VERBAL (LE)
QUARANTAINE (LA)
RAGA : APPROCHE DU CONTINENT INVISIBLE
RÉVOLUTIONS
TERRA AMATA
VOYAGE À RODRIGUES
Nouvelles et textes brefs
« AMOUR SECRET »
« ANGOLI MALA »
« ARBRE YAMA (L') »
« ARIANE »
« CHANSON BRETONNE »
suivi de « ENFANT ET LA GUERRE (L’) »
« ÉCHAPPÉ (L’) »
« FANTÔMES DANS LA RUE »
« GÉNIE DATURA (LE) »
« GRANDE VIE (LA) »
« HAZARAN »
« IL ME SEMBLE QUE LE BATEAU SE DIRIGE VERS L’ÎLE »
« L.E.L., DERNIERS JOURS »
« MARTIN »
« MOLOCH »
« ORLAMONDE »
« PASSEUR (LE) »
« PAWANA »
« PEUPLE DU CIEL »
« RONDE (LA) »
« ROUE D’EAU (LA) »
« SAISON DES PLUIES (LA) »
« TEMPÊTE »
« TRÉSOR »
« VILLA AURORE »
« ZINNA »
Essais
EXTASE MATÉRIELLE (L')
FLOT DE LA POÉSIE CONTINUERA DE COULER (LE)
HAÏ
INCONNU SUR LA TERRE (L’)
PROPHÉTIES DU CHILAM BALAM (LES)
RÊVE MEXICAIN (LE)
SISMOGRAPHE (LE)
Personnages
Fictifs
ADAM POLLO
ALEXIS
ANTOINE
DAVID
FINTAN
JADI
Personnes réelles
BARRAGÁN (LUIS)
BAUDELAIRE
CAILLIÉ (RENÉ)
CHAZAL (DE) MALCOLM
DARWICH MAHMOUD
HUMBOLDT (VON) ALEXANDER
FRIDA KAHLO
LETITIA ELIZABETH LANDON (L.E.L.)
LONGFELLOW
MA EL AÏNINE
MALINCHE (LA)
MENCHÙ RIGOBERTA
RATSITATANE
RULFO (JUAN)
SENGHOR, L.S.
Lieux
Afrique
CHAGOS (ARCHIPEL DES)
CHAGOS (ARCHIPEL DES) MàJ 2022
COLLÈGE ROYAL DE CUREPIPE (LE)
EURÉKA
MAURICE (ÎLE)
MORNE (LE)
NIGER (FLEUVE)
PLATE (ÎLE)
RODRIGUES (ÎLE)
SAGUIA EL HAMRA
Amérique
CHIAPAS (LE)
MEDELLÍN
MEXICO
PACHACAMAC
VOLCAN PARICUTIN
Asie
SÉOUL
Europe
Nice
Lexique
BIAFRA (GUERRE DU)
CANNE À SUCRE
CHAUVE-SOURIS
CIPAYES (RÉVOLTE DES)
COSTUMBRISME
CRISTEROS (GUERRE DES) OU CHRISTIADE
DODO (LE)
ÉCOLOGIE
FLORE (Maurice)
HINDOUISME
LANGAGE DES OISEAUX (LE)
LANGUE BRETONNE
LOUVRE (LE)
MURALISME
OISEAUX (MAURICE)
PROSE POÉTIQUE
SAINT-AUBIN-DU-CORMIER (BATAILLE DE)
SANDUNGA
SIRANDANE
SOUFISME
Bibliographie et abréviations
Auteurs

 

Établissement d’enseignement secondaire public réservé aux garçons, le Collège Royal de Curepipe est l’un des deux plus anciens collèges de Maurice. Il bénéfice d’une excellente réputation dans l’île, car il dispense une formation de qualité qu’atteste l’éloquente succession de lauréats (meilleurs finissants du cycle secondaire national) inscrits sur ses tableaux d’honneur. De nombreuses personnalités, constituant l’élite du pays, l’ont fréquenté et ont ainsi contribué à son prestige.

Dans Le Chercheur d’or, la mère d’Alexis évoque le sérieux du collège quand elle lui adresse ce reproche : « Tu n’écoutes jamais les leçons d’arithmétique. Tu ne pourras pas entrer au Collège Royal » (CO, 27). Son détestable cousin Ferdinand, fils du riche et odieux oncle Ludovic, y est alors pensionnaire (CO, 35).

Le Collège Royal de Curepipe, qui n’est pas un pensionnat, trouve ses origines durant la période où Maurice était l’île de France. Une École centrale avait été créée par les assemblées en 1791 à Port-Louis, la capitale. En 1803, le dernier gouverneur français de la colonie, le capitaine général Charles Decaen, transforma cette école en Lycée colonial, pensionnat destiné à l’enseignement supérieur et militaire des garçons des îles de France et Bourbon (La Réunion). En raison de l’hostilité des autorités en métropole, Decaen ne put lancer son projet similaire pour les filles.

À la suite de la conquête anglaise de l’île en 1810, le premier gouverneur britannique, Sir Robert Farquhar, changea par décret, en 1813, le nom du lycée en celui de Royal College, établissant par là même le statut public du collège placé sous la protection de la Couronne.

Bien que public, le Collège Royal demeura un temps dévolu aux fils de notables de l’île vu la stratification sociale de l’époque. Le journaliste et poète mauricien Rémy Ollier (1816-1845) lutta afin que tous aient accès au collège ainsi qu’à la bourse d’Angleterre offerte à ses lauréats pour étudier dans des prestigieuses universités britanniques.

En 1871, sous le rectorat de Charles Bruce, le Collège Royal port-louisien – qui existe toujours – ouvrit une annexe à Curepipe, destinée aux élèves de cette ville avoisinant Forest Side (CO, 91) sur le plateau central pluvieux et froid, où la bourgeoisie préféra s’installer à la fin du dix-neuvième siècle, délaissant le climat caniculaire de Port-Louis où sévissaient la malaria et une épidémie de peste.

Ce mouvement eut une incidence sur le développement du Collège Royal à Curepipe qui occupait alors un bâtiment construit en 1888 sur l’emplacement de la Mare-aux-Joncs. C’est vraisemblablement de ce bâtiment dont il est question dans Le Chercheur d’or (CO, 93 & al.), car, comme se souvient Alexis, « un soir du mois de novembre, juste avant le début du nouveau siècle, notre père mourut […]. On vint me réveiller dans le dortoir du Collège. » (CO, 101).

La pose de la première pierre d’un nouveau bâtiment eut lieu en 1912. Complété en 1913 et inauguré en janvier 1914, l’imposant édifice fut conçu par l’ingénieur Paul Le Juge de Segrais, ancien élève et lauréat de l’établissement, et construit en pierre de basalte bleu selon un style architectural lui donnant l’apparence d’un petit palais de Buckingham au centre de Curepipe. Le fronton du bâtiment arbore toujours la couronne royale qu’encadrent les lettres G et R (Georgius Rex), bien que Maurice soit devenue une république. Durant les années cinquante, de nouveaux bâtiments s’ajoutèrent à l’immeuble principal sans en altérer son cachet d’origine.

En 1919, le Collège Royal de Curepipe fut transformé en hôpital en raison de l’épidémie de grippe espagnole qui se propageait dans l’île. À l’entrée du collège, un cénotaphe, surmonté des statues d’un Tommy et d’un Poilu, fut inauguré en 1922 et dédié à la mémoire des soldats anglais et français de la Première Guerre mondiale.

Tout en demeurant réservé aux garçons, le collège a recruté ses premières enseignantes dans les années soixante et a célébré officiellement son centenaire en 2014 sous l’autorité d’une femme, la rectrice Chitra Awootar. Le Collège Royal de Curepipe est classé comme patrimoine national par l’État mauricien.

Le passage au collège s’avère une étape pénible et douloureuse dans la vie de l’adolescent Alexis, loin de la mer, de Mananava et de la maison du Boucan, « dans l’ombre froide et pluvieuse de Forest Side, puis au Collège Royal de Curepipe » (CO, 93). Il supporte difficilement ces années monotones d’isolement, « car la vie, dans le froid du Collège et de ses dortoirs, était triste et humiliante. Il y avait la promiscuité des autres élèves, leur odeur, leur contact, leurs plaisanteries souvent obscènes, leur goût pour les mots orduriers et leur obsession du sexe » (CO, 95). Cette vision répulsive d’un collège de garçons – qui est reprise dans Révolutions pour décrire le lycée fréquenté par Jean Marro (R, 42-46) –, trouve un écho dans une lettre que Le Clézio a écrite, en 1999, à un libraire de Nice* : « J’ai ressenti le lycée, surtout durant la période primaire-début secondaire comme une prison, dont je rêvais de m’échapper. »

C’est au Collège Royal de Curepipe que l’univers d’Alexis bascule inéluctablement lorsqu’on le conduit un soir « au bureau du principal, anormalement éclairé à cette heure » (CO, 101) pour lui annoncer le décès de son père. Accablé par « quelque chose d’incompréhensible et de fatal qui [nous] semblait un châtiment du ciel » (CO, 102), Alexis éprouve alors un sentiment de profond dénuement et de résignation au goût amer : « Ma bourse au Collège étant finie, je dus prendre un travail, et ce fut la place que mon père avait occupée dans les bureaux gris de W.W. West, la compagnie d’assurances et d’export qui était dans la main puissante de l’oncle Ludovic. » (CO, 102).

 

 ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​​​ Jean-Claude Castelain

 

 

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

 

CABON, Marcel, Rémy Ollier, Port-Louis, Les Éditions mauriciennes, 1963 ; DE SORNAY, P., Historique des rues de la ville de Curepipe, Port-Louis, The Mauritius Printing, 1962 ; GIBLOT-DUCRAY, Charles, Histoire de la ville de Curepipe : notes et anecdotes, Île Maurice, Éditions Esclapon, 1957 ; LE CLÉZIO, J.-M.G., Le Chercheur d’or, Paris, Gallimard, 1985 ; Lettre autographe signée, 10 juin 1999, au libraire Jean-Pierre Rudin à Nice (ebay - galeriethomasvincent.fr, 2016) ; Révolutions, Paris, Gallimard, 2003 ; PIAT, Denis, L’île Maurice - Sur la route des épices, 1598-1810, Paris, Les Éditions du Pacifique, 2010 ; ROUILLARD, Guy, Histoire de Curepipe des origines à 1890, Curepipe, Société de l’histoire de l’île Maurice, 1992 ; ROYAL COLLEGE CUREPIPE, School history, (rcc.edu.govmu.org) ; ROYAL COLLEGE PORT-LOUIS, Brief historical background of the school, (rcpl.edu.govmu.org) ; TOUSSAINT, Auguste, Histoire des îles Mascareignes, Paris, Éditions Berger-Levrault, 1972 ; Documentation personnelle de l’auteur de l’article, ancien élève du Collège Royal de Curepipe.

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Collège Royal de Curepipe

(photo J.C. Castelain)

 

 

Le cénotaphe à l’entrée du Collège Royal de Curepipe

(photo J.C. Castelain)

 

 

Le Collège Royal : l’annexe de Curepipe (1888 - 1912)

(photo : droits réservés Guy Rouillard et Société de l’histoire de l’île Maurice)

 

 

 

 

 

 

 

GÉANTS (LES)

in Dictionnaire / by stéphane Rozencwajg
31 mai 2017
Avant-propos
Oeuvres
Romans
AFRICAIN (L')
ALMA
CHERCHEUR D’OR (LE)
DÉSERT
DIEGO ET FRIDA
ÉTOILE ERRANTE
GÉANTS (LES)
GENS DES NUAGES
GUERRE (LA)
ONITSHA
OURANIA
PROCÈS VERBAL (LE)
QUARANTAINE (LA)
RAGA : APPROCHE DU CONTINENT INVISIBLE
RÉVOLUTIONS
TERRA AMATA
VOYAGE À RODRIGUES
Nouvelles et textes brefs
« AMOUR SECRET »
« ANGOLI MALA »
« ARBRE YAMA (L') »
« ARIANE »
« CHANSON BRETONNE »
suivi de « ENFANT ET LA GUERRE (L’) »
« ÉCHAPPÉ (L’) »
« FANTÔMES DANS LA RUE »
« GÉNIE DATURA (LE) »
« GRANDE VIE (LA) »
« HAZARAN »
« IL ME SEMBLE QUE LE BATEAU SE DIRIGE VERS L’ÎLE »
« L.E.L., DERNIERS JOURS »
« MARTIN »
« MOLOCH »
« ORLAMONDE »
« PASSEUR (LE) »
« PAWANA »
« PEUPLE DU CIEL »
« RONDE (LA) »
« ROUE D’EAU (LA) »
« SAISON DES PLUIES (LA) »
« TEMPÊTE »
« TRÉSOR »
« VILLA AURORE »
« ZINNA »
Essais
EXTASE MATÉRIELLE (L')
FLOT DE LA POÉSIE CONTINUERA DE COULER (LE)
HAÏ
INCONNU SUR LA TERRE (L’)
PROPHÉTIES DU CHILAM BALAM (LES)
RÊVE MEXICAIN (LE)
SISMOGRAPHE (LE)
Personnages
Fictifs
ADAM POLLO
ALEXIS
ANTOINE
DAVID
FINTAN
JADI
Personnes réelles
BARRAGÁN (LUIS)
BAUDELAIRE
CAILLIÉ (RENÉ)
CHAZAL (DE) MALCOLM
DARWICH MAHMOUD
HUMBOLDT (VON) ALEXANDER
FRIDA KAHLO
LETITIA ELIZABETH LANDON (L.E.L.)
LONGFELLOW
MA EL AÏNINE
MALINCHE (LA)
MENCHÙ RIGOBERTA
RATSITATANE
RULFO (JUAN)
SENGHOR, L.S.
Lieux
Afrique
CHAGOS (ARCHIPEL DES)
CHAGOS (ARCHIPEL DES) MàJ 2022
COLLÈGE ROYAL DE CUREPIPE (LE)
EURÉKA
MAURICE (ÎLE)
MORNE (LE)
NIGER (FLEUVE)
PLATE (ÎLE)
RODRIGUES (ÎLE)
SAGUIA EL HAMRA
Amérique
CHIAPAS (LE)
MEDELLÍN
MEXICO
PACHACAMAC
VOLCAN PARICUTIN
Asie
SÉOUL
Europe
Nice
Lexique
BIAFRA (GUERRE DU)
CANNE À SUCRE
CHAUVE-SOURIS
CIPAYES (RÉVOLTE DES)
COSTUMBRISME
CRISTEROS (GUERRE DES) OU CHRISTIADE
DODO (LE)
ÉCOLOGIE
FLORE (Maurice)
HINDOUISME
LANGAGE DES OISEAUX (LE)
LANGUE BRETONNE
LOUVRE (LE)
MURALISME
OISEAUX (MAURICE)
PROSE POÉTIQUE
SAINT-AUBIN-DU-CORMIER (BATAILLE DE)
SANDUNGA
SIRANDANE
SOUFISME
Bibliographie et abréviations
Auteurs

 

Les Géants est publié en 1973 chez Gallimard. Aucune mention de genre n’est portée sur la couverture. « Les Géants » se trouve entre parenthèses, surmonté du véritable titre : le symbole de l’électricité. L’œuvre refuse d’emblée les pratiques éditoriales. Elle rompt une nouvelle fois avec la typologie littéraire. J.M.G. Le Clézio, à cette époque, est considéré comme héritier du Nouveau Roman, contempteur de la tradition romanesque, ainsi que l’atteste une liste d’auteurs établie par Jean Ricardou (1973, 10). D’ailleurs, l’oeuvre est dédiée au premier empereur de Chine qui combattit le traditionalisme des lettrés.

Les catégories du roman : personnage, récit, temps, sont subverties. Quelques personnages traversent le texte par intermittence. Ils n’ont pas vraiment d’identité, juste un genre, un âge très vague et sont désignés par des termes génériques : « la jeune fille Tranquilité » (qui a dû perdre une « l » car elle reste plaquée au sol), son ami, Machines, qui s’occupe des chariots du supermarché et le « petit garçon surnommé Bogo le Muet ». À la fin de l’œuvre, la fiction didactique liant auteur et lecteur disparaît : Tranquilité, Machines, Bogo perdent leur peu d’identité (Ge, 307-309). D’autres personnages apparaissent au cours de l’œuvre mais dans des microrécits, parfois récurrents.

L’observation des jeunes filles au début (Ge, 41-42) par Bogo, recommence presque identique à la fin (Ge, 295-296). Dans la première version, « Il voit les jeunes filles s’avancer sur la plage en se tordant les pieds. » Dans la deuxième version, « Avec ses yeux plissés, il voit les deux jeunes filles avancer sur la plage en se tordant un peu les pieds sur les galets. » Les barques sur lesquelles elles s’éloignent sur la mer sont presque identiques. La fin de la seconde version surprend d’autant plus que les ressemblances s’étaient multipliées. Après une première détonation « on entend une autre détonation, mais plus forte celle-là, qui fait un drôle de bruit double, quand la jeune fille aux cheveux blonds a pressé sur la détente du pistolet 22 LR appuyé sur le cœur de la jeune fille aux cheveux châtains qui la tue. » (Ge, 296) Leur fin est délibérément ambiguë. Qui tue qui ? Le dénouement n’est qu’un pied de nez à l’attente du lecteur, à la structure traditionnelle du récit, un jeu avec la syntaxe reposant sur le brouillage du mécanisme anaphorique.

D’autres microrécits déroutent pareillement. C’est le cas de Brazil Nut Story qui commence par « Il était une fois, à Puerto Maldonado […] » (Ge, 310). On attendrait, d’après l’incipit, un récit merveilleux. Il n’en est rien. Ouvert sur la formule magique du conte, l’histoire se délite en une accusation de la civilisation, devient une mise en abyme de l’œuvre et ridiculise les normes du récit.

Quant au lieu où évoluent Tranquilité, Machines et Bogo, il est le thème et le personnage principal : un gigantesque supermarché. La société consumériste du libéralisme occidental, dès les premières pages, est désignée par ses logos, avouant dans des ouvrages spécialisés ses objectifs : annuler la conscience pour vendre le plus possible. Hyperpolis, produit et métaphore des « Géants », des « Maîtres du langage » (Ge, 310), perd les individus, transforme l’horizontalité en verticalité, le plafond en gouffre, la lumière en nuit. Son temps est cyclique.

L’intrigue, le dénouement n’existent pas. La fin revient au début, composée de pages de publicité. Empruntées aux grands mythes, se développent toutes les métaphores du temps. On pense à Dédale : « Ceux qui avaient conçu ce piège l’avaient bien fait. pour qu’on ne s’échappe pas […]» (Ge, 49). Sisyphe apparaît aussi dans la condamnation sans rémission à effectuer éternellement la même activité : marcher, ranger des chariots. Mais c’est surtout à Kronos, le Temps, que ressemble Hyperpolis, évoquée comme une « bouche ensanglantée de cannibale, qui dévorait la foule […] » (Ge, 53).

Ce sont ces « Maîtres du langage », ces « Géants », contre qui s’élève la voix majeure de l’œuvre. Il s’agit d’une présence furieuse qui invective, dénonce, condamne. Un auteur fictif, dont la distance avec l’auteur véritable est floue, s’adresse à un lecteur fictif. « Je vais vous dire : je vois beaucoup de femmes et beaucoup d’hommes, tout le temps dans la lumière du jour, et ce sont des sourds-muets. Moi, j’entends encore quelques murmures » (Ge, 19). Il ne peut rivaliser avec les prophètes consacrés à qui est accordée la révélation absolue. Cependant, comme Jérémie, cité dans La Guerre, il voit la terre à une distance sidérale et son discours est composé de condamnations, d’objurgations soutenues par des interrogations, exclamations, anaphores : « Libérez-vous. Libérez-vous. Tuez avec votre simple regard les hommes qui sont maîtres du regard […] » (Ge, 33). Et revient le leitmotiv : « Il faut brûler Hyperpolis ».

Marina Salles parle de « la mise en abyme de l’activité scripturale, ce que Gérard Genette appelle ‘la métalepse d’auteur’ : ‘la transgression par laquelle il s’ingère dans la fiction comme figure de sa capacité créatrice’ […] » (2006, 285-286) − plus précisément ici comme figure de son pouvoir prophétique qui appelle une ère nouvelle. Il faut, pour faire échec aux « Maîtres du langage », amener le lecteur convoqué vers d’autres modes de pensée, d’où la prolifération des références à d’autres textes, de la transtextualité.

Dès les premières pages, le vocabulaire des « Géants » est là, cynique, impitoyable, mais selon un agencement tel que ses effets sont annulés, ses dévoiements évidents : superpositions, accumulations de logos, théories de vente, empruntant leur « montage » aux collages surréalistes. L’écriture fait place à l’art plastique.

Les épigraphes sont souvent empruntées aux civilisations anciennes à moins qu’il ne s’agisse du langage ultramoderne des sciences. À l’illusion du bleu du ciel, expliquée scientifiquement, est accolée le sanscrit « maya » qui désigne l’illusion (Ge, 122). Idéogrammes, BD ou Dits du Bouddha (Ge, 69), la transtextualité combat le langage des Maîtres en interrogeant tous les temps et toute la planète. En résulte une surdétermination de l’œuvre : la désignation du langage informatique Michigan Algorithm decoder (Ge, 172) a pour acronyme MAD, « fou » en anglais ; du coup le système se trouve stigmatisé et les interprétations possibles multipliées. L’œuvre fourmille d’énoncés à décoder, qui ne peuvent qu’excéder les compétences du lecteur. D’ailleurs, le nombre d’hapax dus à la transtextualité rend impossible l’étude lexicométrique, comme l’indique M. Kastberg Sjöblom, obligée de renoncer aux Géants. (2002, 29)

 ​​​​ 

L’œuvre appelle à s’arracher à la déambulation hypnotique pour le vertige de la quête spirituelle, difficile, labile. Ce sont les mots qui font la réalité mais elle n’est jamais définitive. Demeure, contre la parole invasive des slogans, d’où qu’ils viennent, l’injonction : « Il faut écrire, penser et agir, par énigmes […] » (Ge, 320)

L’analogie s’impose entre l’emprise du consumérisme et celle de la tradition romanesque. Il faut rompre, briser leurs miroirs trompeurs. Est-ce possible sans l’angoisse de se perdre ? « Mais si l’on brise ces vitres, si je brise mes vitres […] si je fais ça : si en fin de compte, c’est moi qui m’écroule […] ? » (Ge, 22) Les Géants contient en même temps l’appel à la subversion et la nostalgie d’une forme.

 ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​​​ 

 ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​ ​​​​ Michelle Labbé

 

 

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

LE CLĖZIO, J.-M.G., Les Géants, Paris, Gallimard, coll. « Le Chemin », 1973 ; GENETTE, Gérard, Métalepse, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 2004, p. 27 (cité par Marina Salles, note 47) ; KASTBERG-SJÖBLOM, Margareta, L’Ėcriture de J.-M.G. Le Clézio, une approche lexicométrique, Université de Nice, Thèse 2002, p. 29. www.revuetexto.net>Kastberg_LeClézio.htlm, consulté le 6 octobre 2016 ; RICARDOU, Jean, Le Nouveau Roman, Paris, Le Seuil, coll. « Ėcrivains de toujours », 1973, p.10 ; SALLES, Marina, Le Clézio dans le « champ littéraire » in Le Clézio, notre contemporain, Presses universitaires de Rennes, 2006, <http://www.books.openedition.org/pur/34796> consulté le 6 octobre 2016 ; WALKER, David, « Du détail au totalitarisme : variations sur le commerce conquérant chez Le Clézio » in THIBAULT, Bruno et MOSER, Keith (dirs), J.-M.G. Le Clézio, Dans la forêt des paradoxes, Paris, L’Harmattan, 2012, p. 111-123.

Auteurs

in Dictionnaire / by simon saliot
20 juin 2016
Avant-propos
Oeuvres
Romans
AFRICAIN (L')
ALMA
CHERCHEUR D’OR (LE)
DÉSERT
DIEGO ET FRIDA
ÉTOILE ERRANTE
GÉANTS (LES)
GENS DES NUAGES
GUERRE (LA)
ONITSHA
OURANIA
PROCÈS VERBAL (LE)
QUARANTAINE (LA)
RAGA : APPROCHE DU CONTINENT INVISIBLE
RÉVOLUTIONS
TERRA AMATA
VOYAGE À RODRIGUES
Nouvelles et textes brefs
« AMOUR SECRET »
« ANGOLI MALA »
« ARBRE YAMA (L') »
« ARIANE »
« CHANSON BRETONNE »
suivi de « ENFANT ET LA GUERRE (L’) »
« ÉCHAPPÉ (L’) »
« FANTÔMES DANS LA RUE »
« GÉNIE DATURA (LE) »
« GRANDE VIE (LA) »
« HAZARAN »
« IL ME SEMBLE QUE LE BATEAU SE DIRIGE VERS L’ÎLE »
« L.E.L., DERNIERS JOURS »
« MARTIN »
« MOLOCH »
« ORLAMONDE »
« PASSEUR (LE) »
« PAWANA »
« PEUPLE DU CIEL »
« RONDE (LA) »
« ROUE D’EAU (LA) »
« SAISON DES PLUIES (LA) »
« TEMPÊTE »
« TRÉSOR »
« VILLA AURORE »
« ZINNA »
Essais
EXTASE MATÉRIELLE (L')
FLOT DE LA POÉSIE CONTINUERA DE COULER (LE)
HAÏ
INCONNU SUR LA TERRE (L’)
PROPHÉTIES DU CHILAM BALAM (LES)
RÊVE MEXICAIN (LE)
SISMOGRAPHE (LE)
Personnages
Fictifs
ADAM POLLO
ALEXIS
ANTOINE
DAVID
FINTAN
JADI
Personnes réelles
BARRAGÁN (LUIS)
BAUDELAIRE
CAILLIÉ (RENÉ)
CHAZAL (DE) MALCOLM
DARWICH MAHMOUD
HUMBOLDT (VON) ALEXANDER
FRIDA KAHLO
LETITIA ELIZABETH LANDON (L.E.L.)
LONGFELLOW
MA EL AÏNINE
MALINCHE (LA)
MENCHÙ RIGOBERTA
RATSITATANE
RULFO (JUAN)
SENGHOR, L.S.
Lieux
Afrique
CHAGOS (ARCHIPEL DES)
CHAGOS (ARCHIPEL DES) MàJ 2022
COLLÈGE ROYAL DE CUREPIPE (LE)
EURÉKA
MAURICE (ÎLE)
MORNE (LE)
NIGER (FLEUVE)
PLATE (ÎLE)
RODRIGUES (ÎLE)
SAGUIA EL HAMRA
Amérique
CHIAPAS (LE)
MEDELLÍN
MEXICO
PACHACAMAC
VOLCAN PARICUTIN
Asie
SÉOUL
Europe
Nice
Lexique
BIAFRA (GUERRE DU)
CANNE À SUCRE
CHAUVE-SOURIS
CIPAYES (RÉVOLTE DES)
COSTUMBRISME
CRISTEROS (GUERRE DES) OU CHRISTIADE
DODO (LE)
ÉCOLOGIE
FLORE (Maurice)
HINDOUISME
LANGAGE DES OISEAUX (LE)
LANGUE BRETONNE
LOUVRE (LE)
MURALISME
OISEAUX (MAURICE)
PROSE POÉTIQUE
SAINT-AUBIN-DU-CORMIER (BATAILLE DE)
SANDUNGA
SIRANDANE
SOUFISME
Bibliographie et abréviations
Auteurs

ARMEL Aliette : écrivain, critique littéraire (Le Magazine littéraire).

AZEROUAL Sidi Omar : professeur habilité, Faculté de Safi, Université Cadi-Ayyad - Marrakech.

(LE CLÉZIO) DE B. BAISSAC Clotilde : poète (elle a participé au concours Edouard Maunick) et auteure de nouvelles, elle connaît bien Euréka où elle a beaucoup vécu. ​​ 

BALINT Adina : professeure titulaire, Département des langues et littératures modernes, Université de Winnipeg, Canada.

BALLOT Pierre-Louis : doctorant contractuel en géographie à l’Université de Grenoble Alpes.

BEDON Thierry : professeur agrégé en Histoire et géographie, Lycée Jean Dautet, La Rochelle.

BERNABÉ GIL Maria Luisa : docteur ès lettres, spécialiste de Littérature française contemporaine, enseigne la littérature et langue de spécialité (Tousisme) à l’Université de Grenade.

BOUDIER Catherine : ingénieur, documentaliste, Professeur de SVT.

BOULAKHSOUMI Hicham : enseignant de lycée et doctorant en Littérature Générale et Comparée : Imaginaires, Textes et Cultures. Université Mohammed Ier, FLSH, Oujda, Maroc. Thèse en préparation sur l’écopoétique et l’humanisme chez JMG Le Clézio.

BUEKENS Sara : docteure en littérature française et chercheuse postdoctorale à l'Université de Gand, Belgique.

CANTÓN-RODRIGUEZ Loreto : docteure ès lettres, spécialiste de littérature française contemporaine et de l’étude du français sur objectifs spécifiques à l’université d’Almeria en Espagne.

CARRIEDO Lourdes : Faculté de Philologie. Université Complutense de Madrid.

CASTELAIN Jean-Claude : lecteur et rédacteur retraité de l’Agence Universitaire de la Francophonie (Québec).

CHAHINE Béatrice : titulaire d'un D.E.A. en lettres françaises, Professeur au lycée franco-libanais, auteure de Le Chercheur d'or de J.M.G. Le Clézio, problématique du héros, L'Harmattan, 2010. ​​ 

COLIN Claire : ATER à l'Université Paris Est Marne-la-Vallée. Chercheuse associée au CERC (Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3).

CONSTANT Isabelle : DEA, Sorbonne Paris IV. PhD. University of Arizona. Professor, University of the West Indies Cave Hill.

CORNILLE, Jean-Louis : enseigne la littérature au Cap ainsi qu’à l’Université d’Antsiranana. Il est l’auteur d’ouvrages sur Rimbaud, Baudelaire, Apollinaire, Jarry Sartre, Bataille, Céline, Chamoiseau. son dernier livre Le Murmure des îles indociles est consacré aux écritures indocéaniennes. ​​ CORNILLE Jean-Louis : enseigne la littérature au Cap ainsi qu’à l’Université d’Antsiranana. Il est l’auteur d’ouvrages sur Rimbaud, Baudelaire, Apollinaire, Jarry, Sartre, Céline, Chamoiseau.

COULIBALY Hervé : enseignant-chercheur, Maître-assistant au Département de Lettres Modernes de l'Université Félix Houphouët-Boigny. Spécialiste de Littérature et Civilisation Française, option roman.

DE JESUS-BERGEY Josyane : poète franco-portugaise, retraitée de la fonction publique. Auteure de poèmes, contes, essais,  chansons (S.A.C.E.M) traduits en arabe, espagnol, italien  et portugais. Elle a dédié un poème à Mahmoud Darwich : http://www.m-e-l.fr/josyane-de-jesus-bergey,ec,745

FURLONG Robert : spécialiste de la littérature mauricienne, commissaire d’expositions (œuvres de Marcel Cabon, Robert-Edward Hart), Président de la Fondation Malcolm de Chazal.

GLAZIOU Joël : chercheur associé à l’Université d’Angers.

ISSUR Kumari : associate professor, Université de Maurice (Département de Français).

JACOMELLA Jacqueline : retraitée de l’Éducation Nationale.

JOLLIN-BERTOCCHI Sophie : maître de conférences à l’Université de Saint-Quentin–en-Yvelines (Université Paris Saclay).

KEE MEW Evelyn : ​​ Mauritius Institute of Education (île Maurice).

KERJEAN Émile : professeur de Lettres classiques, auteur de deux ouvrages sur Jean-Marie Le Clézio, publiés en 2014 et 2015 aux Éditions Skol Vreiz. 

KIM Hyeli : doctorante à l'Université d'Artois.

KÖSTLER Cécile : doctorante en lettres à la Ruprecht-Karls-Universität, Heidelberg (Allemagne), Professeur de l'enseignement secondaire (français/anglais).

KOUAKOU Prince Albert Gnacabi : enseignant-chercheur, enseignant de littérature française à l'UFR Langues, Littératures et Civilisations, Université Félix Houphouet Boigny de Cocody, Côte d’Ivoire.

LABBÉ Michelle : doctorat de Littérature comparée, Université Paris X. Écrivaine, poète. ​​ 

LANNI Dominique : maître de conférences à l'Université de Malte.

LEVESQUE Simon : docteur en sémiologie et chargé de cours en études littéraires, Université du Québec à Montréal.

LOHKA Eileen : professeure au Département d’études françaises, italiennes et espagnoles, Université de Calgary, Canada.

MARTIN Bronwen : honorary research fellow, Department of European Cultures and Languages, Birkbeck College, University of London.

MANGEREL Caroline : Department of Linguistics and Language Practice, University of The Free State (Bloemfontein).

MAUGUIERE Bénédicte : professeur titulaire, Département d'Études françaises, Colby College (USA).

MEYER Jean : professeur émérite au CIDE (Centro de Investigación y Docencia Económica) à Mexico. Grand spécialiste international de la Guerre des « Cristeros  », sujet sur lequel il a publié de nombreux ouvrages et articles.

MILLER Robert : lecturer. Department of French, Hispanic and Italian studies, University of British Columbia, Vancouver, Canada.

MOREAU Christian : professeur émérite de l’Université, correspondant du Museum de La Rochelle pour la géologie et fondateur de l’Association des Amis du Museum, il est l’auteur de divers ouvrages concernant cette institution.

MOSER Keith : professeur de Français et d’Études francophones à Mississipi State University. Auteur d’une thèse sur le Clézio, de plusieurs essais et de nombreux articles sur la littérature française et francophone et autres champs de recherche : écocritique, littérature maghrébine/harki...

PATRY Jean-Alain : architecte-urbaniste, diplômé de l'école d'architecture Paris-Tolbiac (ex-U.P.A. 7), chargé d'études pour la mise en valeur du patrimoine architectural (Le Havre, Compiègne…), puis architecte de la Ville de Vannes depuis 2001.

PETTELAT Florence : chargée de cours et Doctorante à l’Université de Saint-Quentin-en-Yvelines. elle travaille sur les relations qui unissent les écrivains au musée du Louvre.

PINTO Yonnay : docteure ès lettres, auteure d’une thèse : « Le Vert paradis » : Essai ​​ sur l’enfance dans l’œuvre de J.M.G. Le Clézio.

REY MIMOSO-RUIZ Bernadette : professeur de littératures générales et comparées à la Faculté des lettres et des Sciences humaines de l’Institut Catholique de Toulouse.

PAPEN Robert : professeur titulaire au Département de linguistique de l'Université du Québec à Montréal.

QUELLA-VILLÉGER Alain : professeur agrégé, Docteur ès Lettres / Histoire, Chercheur associé, Universités de La Rochelle / Nantes.

ROUSSEL-GILLET Isabelle : maître de conférences HDR, Université d’Artois. ​​ 

SALLES Jean-Paul : docteur en Histoire, Paris I Panthéon-Sorbonne.

SALLES Marina : docteur ès Lettres. Chercheure associée Au CRHIA, Universités de La Rochelle / Nantes.

SHEIBANIAN Maryam : maître de conférences à l’Université Ferdowsi de Mashhad (Iran).

SILVA-CAMARANI Ana Luiza : professora Doutora à Université Estadual Paulista "Júlio de Mesquita Filho" - UNESP - Rodovia Araraquara-Jaú, Km. 1 - CEP 14800-901 - Araraquara - SP - Brésil.

SIMPORE Karim : PH. D. Assistant Professor of French à Mississipi State University. ​​ 

VECHE Bogdan : maître-assistant à l’Université de l’Ouest de Timisoara, Roumanie.

TRITSMANS Bruno : professeur à l'Université d'Anvers.

VAN DER DRIFT Martha : PH. D. en études Francophones. Ancienne professeure de français à Duke University, en Caroline du Nord aux États-Unis. Actuellement, elle vit dans le New Hampshire et travaille à son compte dans l’enseignement du français et dans la recherche.

VOGL Mary : chef du département de Langues, Littératures et Cultures à Colorado State University ​​ Elle a co-traduit Correspondance ouverte de Khatibi et Khayat et a publié sur Le Clézio, Djebar, Ben Jelloun, Laroui, El Maleh, Kilito, l'art orientaliste et l’art au Maghreb.

WESTERLUND Fredrik : maître de conférences, dirige les études françaises à l’Université de la Finlande de l'Est à Joensuu. Auteur d’une thèse et de nombreux articles sur l’œuvre de Le Clézio. Président actuel de L’Association des lecteurs de Le Clézio.

 

Bibliographie et abréviations

in Dictionnaire / by simon saliot
16 juin 2016
Avant-propos
Oeuvres
Romans
AFRICAIN (L')
ALMA
CHERCHEUR D’OR (LE)
DÉSERT
DIEGO ET FRIDA
ÉTOILE ERRANTE
GÉANTS (LES)
GENS DES NUAGES
GUERRE (LA)
ONITSHA
OURANIA
PROCÈS VERBAL (LE)
QUARANTAINE (LA)
RAGA : APPROCHE DU CONTINENT INVISIBLE
RÉVOLUTIONS
TERRA AMATA
VOYAGE À RODRIGUES
Nouvelles et textes brefs
« AMOUR SECRET »
« ANGOLI MALA »
« ARBRE YAMA (L') »
« ARIANE »
« CHANSON BRETONNE »
suivi de « ENFANT ET LA GUERRE (L’) »
« ÉCHAPPÉ (L’) »
« FANTÔMES DANS LA RUE »
« GÉNIE DATURA (LE) »
« GRANDE VIE (LA) »
« HAZARAN »
« IL ME SEMBLE QUE LE BATEAU SE DIRIGE VERS L’ÎLE »
« L.E.L., DERNIERS JOURS »
« MARTIN »
« MOLOCH »
« ORLAMONDE »
« PASSEUR (LE) »
« PAWANA »
« PEUPLE DU CIEL »
« RONDE (LA) »
« ROUE D’EAU (LA) »
« SAISON DES PLUIES (LA) »
« TEMPÊTE »
« TRÉSOR »
« VILLA AURORE »
« ZINNA »
Essais
EXTASE MATÉRIELLE (L')
FLOT DE LA POÉSIE CONTINUERA DE COULER (LE)
HAÏ
INCONNU SUR LA TERRE (L’)
PROPHÉTIES DU CHILAM BALAM (LES)
RÊVE MEXICAIN (LE)
SISMOGRAPHE (LE)
Personnages
Fictifs
ADAM POLLO
ALEXIS
ANTOINE
DAVID
FINTAN
JADI
Personnes réelles
BARRAGÁN (LUIS)
BAUDELAIRE
CAILLIÉ (RENÉ)
CHAZAL (DE) MALCOLM
DARWICH MAHMOUD
HUMBOLDT (VON) ALEXANDER
FRIDA KAHLO
LETITIA ELIZABETH LANDON (L.E.L.)
LONGFELLOW
MA EL AÏNINE
MALINCHE (LA)
MENCHÙ RIGOBERTA
RATSITATANE
RULFO (JUAN)
SENGHOR, L.S.
Lieux
Afrique
CHAGOS (ARCHIPEL DES)
CHAGOS (ARCHIPEL DES) MàJ 2022
COLLÈGE ROYAL DE CUREPIPE (LE)
EURÉKA
MAURICE (ÎLE)
MORNE (LE)
NIGER (FLEUVE)
PLATE (ÎLE)
RODRIGUES (ÎLE)
SAGUIA EL HAMRA
Amérique
CHIAPAS (LE)
MEDELLÍN
MEXICO
PACHACAMAC
VOLCAN PARICUTIN
Asie
SÉOUL
Europe
Nice
Lexique
BIAFRA (GUERRE DU)
CANNE À SUCRE
CHAUVE-SOURIS
CIPAYES (RÉVOLTE DES)
COSTUMBRISME
CRISTEROS (GUERRE DES) OU CHRISTIADE
DODO (LE)
ÉCOLOGIE
FLORE (Maurice)
HINDOUISME
LANGAGE DES OISEAUX (LE)
LANGUE BRETONNE
LOUVRE (LE)
MURALISME
OISEAUX (MAURICE)
PROSE POÉTIQUE
SAINT-AUBIN-DU-CORMIER (BATAILLE DE)
SANDUNGA
SIRANDANE
SOUFISME
Bibliographie et abréviations
Auteurs

 

Œuvres de J.-M.G. Le Clézio citées dans ce Dictionnaire, éditions, abréviations utilisées. En gras l’édition de référence.

 

A : L’Africain, Paris, Mercure de France, 2004 ; Gallimard, « Folio », 2005.

AM : Angoli Mala, Paris, Gallimard, coll. Blanche, 1999 ; « Folio », 2000.

B : Ballaciner, Paris, Gallimard, « NRF », 2007.

CO : Le Chercheur d’or, Paris, Gallimard, coll. Blanche, 1985 ; « Folio », 1988.

Cb : Chanson bretonne, Paris, Gallimard, 2020.

CB : Cœur brûle et autre romances, nouvelles, Paris, Gallimard, coll. Blanche, 1999 ; « Folio », 2002.

D : Désert, Paris, Gallimard, coll. Le Chemin, 1980 ; « Folio, » 1985.

De : Le Déluge, Paris, Gallimard, coll. Blanche, 1966 ; coll. « L’Imaginaire », 1994.

D&F : Diego & Frida, Paris, Stock, 1993 ; Gallimard, « Folio », 1995.

E&G : L'Enfant et la guerre, Paris, Gallimard, 2020.

EM : L’Extase matérielle, Paris, Gallimard, coll. « Le Chemin », 1961, collection « idées », 1971 ; « Folio Essais » 1993 ; Éditions du Rocher, coll. « Prince Pierre de Monaco », 1999.

ESP : L’Enfant de sous le pont, ...... illustrations Axel, Paris, Éditions Safrat, Lire c’est partir, 2008.

EE : Étoile errante, Paris, Gallimard, coll. Blanche, 1992 ; « Folio », 1994.

FP : avec Dong Quiang Le flot de la poésie continuera de couler, Paris, Philippe Rey, 2020

FC : La Fête chantée et autres essais de thème amérindien, Paris, Gallimard, coll. Le Promeneur, 1997.

F : La Fièvre, Paris, Gallimard, coll. Le chemin, 1965 ; coll. « L’Imaginaire », 1967.

GN : Gens des nuages avec Jemia Le Clézio, photographies de Bruno Barbey, Paris, Stock, 1997 ; Gallimard, « Folio », 1999.

G : La Guerre, Paris, Gallimard, coll. Le Chemin, 1970 ; coll. Soleil, 1970 ; coll. « L’imaginaire », 1992.

Ge : Les Géants, Paris, Gallimard, coll. Le Chemin, 1973 ; coll. Soleil, 1973 ; coll. « L’Imaginaire », 1995. 

H : Haï, Genève, Skira, coll. Les Sentiers de la création, 1971 ; Flammarion, coll. « Champs », 1987.

HA : Hasard suivi de Angoli Mala, Paris, Gallimard, coll. Blanche, 1999 ; Folio, 2000.

HP : Histoire du pied et autres fantaisies, Paris, Gallimard, 2011.

I : « Iniji », in Vers les icebergs, Paris, Fata Morgana, 1978.

IT : L’Inconnu sur la terre, Paris, Gallimard, coll. Le Chemin, 1978 ; coll. « L’Imaginaire », 1999.

LF : Le Livre des fuites, Paris, Gallimard, collection Le Chemin, 1969 ; coll. « L’Imaginaire », 1989.

LR : La Ronde et autres faits divers, Paris, Gallimard, coll. Le Chemin, 1982 ; « Folio, » 1990.

M : Mondo et autres histoires, Paris, Gallimard, coll. Blanche, 1978 ; « Folio », 1982 ; dessins de Georges Lemoine, Gallimard jeunesse, 2008.

My : Mydriase, Montpellier, Fata Morgana, 1973 ; Mercure de France, 2014.

O : Onitsha, Paris, Gallimard, coll. Blanche, 1991 ; Folio, 1993.

OU : Ourania, Paris, Gallimard, coll. Blanche, 2006 ; « Folio », 2007.

P : Printemps et autres saisons, nouvelles, Paris, Gallimard, coll. Le Chemin, 1989 ; « Folio », 1991.

Pa : Pawana, Paris, Gallimard, nrf, 1992 ; Lecture accompagnée par Bruno Doucey, Bibliothèque Gallimard, 2003.

PCB : Les Prophéties du Chilam Balam, Traduction et présentation de J.-M.G. Le Clézio, Paris, Gallimard, coll. « Le Chemin », 1973.

PO : Poisson d’or, Paris, Gallimard, coll. Blanche, 1997 ; « Folio », 1999.

PV : Le Procès-verbal, Paris, Gallimard, coll. Le Chemin 1963 ; coll. « Pluriel », 1970 ; « Folio, » 1973 ; Illustrations de Baudoin, Coll. « Futuropolis », 1989.

Q : La Quarantaine, Paris, Gallimard, coll. Blanche, 1995 ; « Folio », 1997.

R : Révolutions, Paris, Gallimard, coll. Blanche, 2003 ; « Folio », 2004.

Ra : Raga, Approche du continent invisible, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Peuples de l’eau », 2006.

RF : Ritournelle de la faim, Paris, Gallimard, coll. Le Chemin, 2008 ; « Folio », 2009.

RM : Le Rêve mexicain ou la pensée interrompue, Paris, Gallimard, « NRF essais », 1988.

RMi : La Relation de Michoacan, Paris, Gallimard, collection Essais, 1984 ; « Folio essais », 1992.

S : Sirandanes, avec Jemia Le Clézio, Aquarelles de J.-M.G. Le Clézio, Paris, Seghers, 1990.

T : Tempête, Paris, Gallimard, 2014.

TA : Terra Amata, Paris, Gallimard, coll. Blanche, 1967 ; coll. Soleil, 1967 ; coll. « L’Imaginaire », 1978.

TVS : Trois villes saintes, Paris, Gallimard, Hors série Littérature, 1980.

VAC : Voyages de l’autre côté, Paris, Gallimard, coll. « Le Chemin », 1975 ; coll. « Soleil », 1975.

VAR : Voyage à Rodrigues, Journal, Paris, Gallimard, coll. Le Chemin, 1986 ; « Folio », 1997.

VI : Vers les icebergs, Paris, Fata Morgana, 1978 ; Mercure de France 2014.

 

 

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